Savons-nous remercier sincèrement les gens qui nous entoure ? Savons-nous reconnaître ce qu’ils ont fait pour nous ? Que diriez-vous de rencontrer Michka, Marie et Jérôme qui vont vous dévoiler le véritable sens de ce mot ?
Pour son neuvième roman, Delphine de Vigan décide d’écrire une histoire courte, délicate et pleine d’amour. L’histoire débute avec Marie qui nous parle. « Vous êtes-vous déjà demandé combien de fois dans votre vie vous aviez réellement dit merci ? Un vrai merci. L’expression de votre gratitude, de votre reconnaissance, de votre dette. » Impossible de reste stoïque face à une telle interrogation. Savons-nous remercier du fond du cœur ceux qui nous aider, qui ont été là dans les moments difficiles ? Chacun répondra en toute sincérité avec soi-même. Cette question nous pousse aussi à nous demander pourquoi Marie se demande cela ? Doucement, nous allons la rencontrer, cette jeune femme dynamique. Elle vient souvent rendre visite à Michka. On pourrait croire au début qu’il s’agit de sa grand-mère mais c’est autre chose. Depuis qu’elle est petite, elle venait se réfugier chez elle quand sa mère ne rentrait pas. Quand Marie est devenue majeure, Michka est devenue une sorte de maman/mamie bienveillante. Qu’importe les moments de la vie, elle était là. Maintenant Michka est devenue une vieille et ne peut plus vivre chez elle seule. Elle n’a d’autre choix que vendre son appartement et partir en maison de retraite. Il faut s’accoutumer à un nouveau rythme de vie avec le passage d’infirmière.
« Elle s’allonge sur le lit, et s’assoupit. Quelques minutes plus tard, une femme entre dans la chambre pour lui proposer une collation. Un petit jus de pomme avec une petite paille et un petit gâteau emballé dans un petit sachet. Les mêmes qu’au centre de loisirs. Voilà donc ce qui t’attend, Michk’ : des petits pas, des petits sommes, des petits goûters, des petites sorties, des petites visites. Une vie amoindrie, rétrécie, mais parfaitement réglée ».
Et surtout Jérôme, l’orthophoniste qui vient aider Michka à garder l’usage des mots le plus longtemps possible. Car une fois que les mots sont partis, il n’est plus possible de garder le lien avec les autres. Avant de mourir, elle voudrait faire une dernière chose. Elle voudrait retrouver le couple, Nicole et Henri, qui l’avait hébergé pendant la guerre. A la fin de la guerre, ses parents étaient partis en cendre à Auschwitz. Sa tante est venue la s’occuper d’elle quelque temps avant de reprendre sa vie. Enfant, elle n’a pas eu le temps de remercier ces gens de leur gentillesse et de leur courage d’avoir caché une enfant juive. Marie a passé des annonces dans Le monde et Le figaro mais aucune réponse. Jérôme profite de ces vacances pour partir sur la trace de ces gens. Sa persévérance a payé car il a retrouvé la trace de ces gens, du moins de la femme encore survivante. Il lui a transmis le message de Michka. Quel moment d’émotion. A son retour de congé, il va voir Michka et lui raconte tout. La mamie ne peut retenir ces larmes. Difficilement, elle écrit une lettre à Nicole. Peu de temps après, Michka meurt. Tout ce qu’elle devait accomplir sur terre a été fait. Elle peut reposer enfin en paix. C’est là qu’enfin Marie et Jérôme se rencontrent. Ils ont déjà en commun une histoire. Peut-être que maintenant, ils peuvent en écrire une autre ensemble ?
Ce petit livre se dévore d’une traite. Il est bien difficile de laisser Marie, Jérôme et Michka. A chaque partie qui leur ai consacré, on apprécie leur candeur, leur fragilité et leur bienveillance. Leur vie n’a jamais été totalement rose pourtant ils ont rencontré des gens qui ont tout chamboulé. Des inconnus qui protègent un enfant au péril de leurs vies, une femme seule qui prend sous son aile une petite fille timide… des gens qui tendent leur main sans rien attendre en retour. Un lien invisible relie ces trois personnes qui ont toujours d’une certaine façon chercher quelqu’un qui les aimerait sincèrement. L’orthophoniste est touché par cette mamie qui a conscience de se perdre et qui sait que la mort viendra bientôt. Elle arrive avec perspicacité à lire en lui. On ne peut que s’attacher à eux. L’auteure ne perd pas de temps avec de longue description, explication. L’économie de mot suffit à dire l’indicible et nous toucher. Le sens du titre « Les gratitudes » prend rapidement sens pour chacun des personnages. Ce besoin de dire un vrai merci, un qui vient du cœur n’est plus une parole banale. Elle prend une autre dimension comme si ce merci était le symbole d’un pacte tacite entre deux personnes. Une façon de lui montrer plus qu’une reconnaissance mais de montrer la force et la puissance d’un acte qui a tout changé.
Un petit roman qui saura vous donnez envie de dire merci à ceux qui ont été là pour vous. Et pourquoi pas leur offrir ce livre avec un petit mot inscrit à l’intérieur.
Extrait
« Elle me fait signe de lui donner sa canne, je m’exécute.
Puis elle me sourit avec un petit air coupable.
– Appelez-moi Michka…
– Avec plaisir.
– Madame Seld par-ci, madame Seld par-là, c’est triste, vous savez, de vivre au milieu de gens qui ne vous appellent jamais par votre prénom.
Sa vivacité me surprend.
– Je comprends. Je vous appelerai Michka, promis, vous cherchieé quelque chose ?
– Oui c’est parce que … Je perds beaucoup… Ça va vite. Je sens presque tout le temps que je perds quelque chose, mais je ne trouve pas et … Ça me fait peur. Je voudrais vous dire plus mais… Ça m’empêche, vous voyez ?
– J’ai lu dans cotre dossier que vous souffrez d’un début d’aphasie. Le médecin a dû vous expliquer. Cela signifie que vous avez du mal à trouver vos mots. Parfois ils ne viennent pas du tout, et parfois vous les remplacez par d’autres. Cela varie aussi selon les moments, l’émotion, la fatigue…
– Ah bon. Si vous le dites.
– C’est peut-être les mots que vous cherchiez, Michka ?
– Oui, c’est fossible. »
L’avis de Chroniques culturelles : « Un roman plein de délicatesse et de grâce, qui parvient à lier de manière harmonieuse plusieurs thèmes : la vieillesse et la dépendance des personnes âgées, la question du langage et de la perte, et bien sûr la gratitude, traitée avec beaucoup de subtilité et de tendresse. »
L’avis de A bride abattue : « Le roman m’a bouleversée aussi par son aspect positif. On dit facilement merci (même si on sous emploie ce mot dans notre culture) mais exprimer sa gratitude … c’est une autre affaire. Trop de pudeur ou de maladresse nous bloquent avec absurdité dans une posture plus respectueuse qu’affectueuse. »
J’ai beaucoup aimé ce roman. Bizarrement, je n’avais jamais lu Delphine de Vigan. Et bon, un personnage orthophoniste, je ne pouvais pas ne pas lire, n’est-ce pas.
surtout que ce n’est pas courant un orthophoniste 🙂 tu t’es retrouvé en elle?