Il est où le patron? – Chroniques de paysannes – Maud Bénézit et les paysannes en polaire

Quand on nous demande de penser à l’image d’un agriculteur, on pense souvent un vieil homme blanc seul. Mais cette image d’un autre temps, n’est plus le reflet de la réalité. Maintenant, les femmes ont leurs mots à dire.

4e de couverture
Au fil d’une saison agricole, dans un petit village de moyenne montagne, trois femmes paysannes, voisines de marché, se rencontrent, s’entraident et se lient d’amitié. Elles ont des parcours de vie différents : Jo vient de terminer ses études et s’installe tout juste pour reprendre une ferme caprine. Il y a cinq ans, Anouk a quitté la ville où elle habitait pour emménager à la campagne, depuis, elle est apicultrice. Coline, mariée deux enfants, est originaire du village. Elle a repris il y a dix ans la ferme et les brebis laitières de ses parents. Toutes trois sont confrontées au sexisme ambiant. En les suivant dans la pratique de leur métier, on accompagne leur cheminement quotidien sur les questions féministes et aussi sur la difficulté de la vie agricole. En partageant leurs expériences, ces femmes se donnent la force de faire entendre une autre voie que celle du patriarcat.

Mon avis
Le 9e art consacre de plus en plus de publications autour du thème de l’agriculture. On y trouve des conseils de culture, la présence de circuits courts, de supermarchés équitables, du bio.. Mais on se demande où sont les femmes dans tout ça? Pourtant les épouses d’agriculteurs ont toujours été présentes dans les fermes. Par contre, elles étaient rarement déclarées car cela coûtait de l’argent. Au moment de la retraite, elles ne retrouvaient sans rien. Dorénavant, elles ne sont plus seulement l’épouse de M. X, elles sont les bosses. Toutefois, les clichés ont la vie dure. On leur dit souvent qu’elles sont très fragiles, pas assez musclées, trop sensible pour faire leur boulot… Elle doivent avoir un homme à leur côté sinon comment porter des charges lourdes, faire des travaux, réfléchir à des stratégies de rentabilité… La révolution est qu’il est prouvé scientifiquement dorénavant que les femmes peuvent penser par elle-même. Leur but n’est pas juste de faire des enfants, s’en occuper et faire le ménage. L’intelligence ne se situe pas dans les testicules, toujours pas. Il n’y a toujours pas de gêne de la femme d’intérieur. Incroyable. Alors quoi de plus naturelle qu’elles aient envie de faire les métiers qui les intéressent vraiment.

Eleveuse de chèvres, fabricante de fromages, récupératrices de miel… tout est possible. D’ailleurs, Maud Bénézit et les paysannes en polaire, qui ont travaillé ensemble ont choisi ces trois profils. Qui de mieux que des femmes travaillant à la campagne pour parler d’elles? Céline Berthier, éleveuse caprine; Marion Boissier, maraichage et élevage d’abeilles; Fanny Demarque, bergère; Florie Salaniè, apicultrice et Guilaine Trossat, bergère ont collaboré pour la réalisation d’un album. Une première pour elle qui ressentait le besoin de parler de leur situation. Elles revendiquent leur amour de la nature et leur statut de femme qui ne les rend pas moins compétente. Elle forme une communauté qui s’écoute et s’épaule. Maud Bénézit a mis en image et en texte de façon plus harmonieuse leurs histoires. Dès les premières pages, on est touchée par ces personnes courageuses, passionnées, généreuses qui bousculent les normes pour demander l’acceptation et le respect. Les trois personnages sont assez différentes aussi bien sur leur tempérament, leur mode de vie et leur vision du monde sans jamais tomber dans le cliché facile. Elles sont représentatives du monde comme il est. On trouve des femmes mariés avec enfants partageant l’activité de leur conjoint, des femmes célibataires qui ne cherchent pas toujours l’amour dans le pré et des lesbiennes. Elles maîtrisent la chaîne de production de la terre à l’assiette. Sans omettre le fil rouge du féminisme derrière car faire comprendre sa valeur passe aussi par des luttes. Citer Anne Sylvestre apporte beaucoup de sympathie, de conviction et d’humour. Malgré le sérieux du sujet, il est abordé avec de la pédagogie et de la détente.

Elles abordent des choses importantes comme les remarques déplacées aussi bien de la famille que des partenaires que des clients. Et le prétexte fallacieux de dire que c’était une blague, c’est tout, est vrai. Qui n’a jamais entendu de blagues racistes, misogynes, homophobes..? Quand vous dites que c’est déplacé ou autre, on vous reproche votre manque d’humour. Comportement trop récurrent qui souligne l’hypocrisie et la médiocrité de l’orateur. Comme si humilier des gens par le biais d’une blague était honorable. Et en rajouter une couche en discriminant l’autre qui souligne son indignation pour asseoir sa supériorité est déplorable. Sans oublier les réunions où les femmes sont en minorité et où on leur donne moins ou pas la parole. Des problématiques qui ne sont pas pas propres au monde agricole. On trouve un conseil pour faire part de son désagrément face à des réflexes ineptes des gens. Dans l’ouvrage, Anouk a ouvert des huîtres qui est normalement l’activité réservée aux hommes. C’est un truc de bonhomme de glisser une lame de couteau dans une coquille. Anouk insiste et y arrive. A table, son père la félicite et l’applaudit. Elle se rappelle les trois étapes clés : exposer les faits, dire ce que je ressens et exprimer une demande claire. Et dit : « Papa, tu m’applaudis pour avoir ouvert des huîtres alors qu’on n’applaudit pas Antoine et Mathieu. Je me sens stigmatisée car je suis une fille. J’aimerais que tu arrêtes de me distinguer de mes frères et que tu me portes la même considération qu’à eux. »

Des chroniques paysannes qui font du bien au moral qui montre qu’une relève est là et plus riche que cela que l’on pourrait croire. Girl power.

9 réflexions sur “Il est où le patron? – Chroniques de paysannes – Maud Bénézit et les paysannes en polaire

      • Ben je suppose que nous avons les mêmes bédés, les mêmes romans. Les maisons d’éditions françaises vendent chez nous aussi, hormis Jigal (polars).

        Les femmes sont présentes dans l’agriculture, mais en minorité, tous les agriculteurs que je connais, ce sont des mecs ! Leurs femmes les aident, mais maintenant, elles bossent souvent ailleurs, pour avoir un job qui fait rentrer des sous.

      • Non, en Wallonie, on reçoit toute les bédés publiées en France. Nous sommes francophones aussi. Une grande partie des auteurs de bédés sont belges, surtout dans les anciens… Nous avions les éditions du Lombard, de Casterman et de Dupuis, chez nous ! Et pas qu’elles…

        Maintenant, une bédé qui ne traiterait QUE de politique ou de sujets belgo-belge, sans doute qu’elle ne passera pas la frontière dans l’autre sens, vu que vous ne comprendriez rien à notre politique (nous non plus, d’ailleurs, on ne les comprend pas 😆 ).

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s