Manifestante – Hélène Aldeguer

A partir de quand a t’on le droit d’exprimer son mécontentement en société? Anna ne se posait pas vraiment la question jusqu’au jour où elle est prise dans une manifestation. Et si elle aussi pouvait être un rouage du changement.

4e de couverture
Anna a 29 ans. Elle cherche du travail et sous-loue un appartement en colocation à Paris, aime aller au musée, au cinéma et prendre des bières en terrasse avec ses amis. Tous les dimanches, elle rend visite à sa grand-mère, en Ephad, à qui elle se confie, et qu’elle écoute. Sa vie se déroule ainsi, sans trop se préoccuper du bruit du monde. Le hasard la fait un jour croiser un cortège. Curieuse, elle l’intègre. Cette première expérience la fait réfléchir et en amène une autre. Elle croise dans cette manifestation Leïla, une amie d’enfance qu’elle avait perdue de vue. Leïla lui avoue s’être éloignée de leur bande d’amis qui ne s’engagent sur rien et ne pensent qu’à leur petit confort. La manifestation dégénère quand la police charge après avoir lancé des grenades lacrymogènes. Elles en échappent de peu. Pour Anna, c’est l’épreuve du feu. Mais bientôt Leïla va lui présenter d’autres manifestantes qui vont l’entraîner encore un peu plus loin dans la contestation…
Comment en vient-on à passer le pas, et à sortir dans la rue pour exprimer sa révolte ? À une époque où les raisons de contestation sont multiples – écologie, féminisme, antiracisme, anticapitalisme et justice sociale, droits des migrants, droits LGBT, violences policières – quels peuvent être les événements, les rencontres, les coïncidences et les prises de conscience qui font qu’un individu rejoint une foule en colère ?
Le troisième livre d’Hélène Aldeguer, qui signe un récit d’une grande modernité et d’une grande maturité. Le parcours d’une jeune femme qui, intriguée par les contestations régulières qui secouent le pays, va s’engager grâce à la rencontre de plusieurs femmes militantes.

Mon avis
Anna est au chômage et doit faire face à une situation de précarité. Quand elle sort avec ces copines, elle ressent une sorte de fossé dont elle a du mal à expliquer. Un jour, elle regarde autrement une manifestation. Inconsciemment, elle s’introduit à l’intérieure d’une et noue rapidement un lien avec une inconnue. Bien qu’elles reçoivent une bombe lacrymogène, l’expérience en reste positive. La question « Et pourquoi le problème ça serait d’être en colère et pas de ne jamais l’être? « . A partir de là, elle s’engage de plus en plus. Et étonnamment, cela la rapproche de sa grand-mère elle aussi qui a lutté. Hélène Aldeguer ne propose pas vraiment une critique sociale. Mais plutôt une interrogation sur le rôle que chacun peut jouer pour exprimer son mécontentement et son action concrète dans un collectif. Est-ce qu’il faut accepter que l’on ne peut rien changer car les politiques font toujours ce qu’ils veulent? Mais si tout le monde pensait ça, ne serait-ce pas donner toute autorité à des dirigeants qui ont d’autres d’intérêts et enjeux que les citoyens de base? Qu’elle est la limite entre ce qui est acceptable ou pas? Le personnage survole ces sujets. Elle perçoit la notion de lien et de solidarité autrement. Les convictions restent très secondaires. Jusqu’où cela peut aller? Nous ne le saurons pas. La créatrice souligne la présence de la violence policière. Elle est aussi bien dans la stratégie pour casser les défilés, les limiter, les dissoudre. Pour y arriver, les représentants de la loi utilisent aussi bien les coups, les grenades de désencerclement, les flash-balls… L’ouvrage se termine avec une balle en caoutchouc dans l’oeil d’une manifestante et les slogans « Police assassins!! » raisonne. On sait qu’il y a eu de très nombreux blessés graves lors des manifestations des gilets jaunes dont la perte d’un oeil. Est-ce que la lutte se résume juste à cette dichotomie?

N’y aurait-il pas pu y avoir plus de nuance dans le sens de l’engagement, sur le rôle des politiques et de l’ensemble des parties prenantes? Et également, où sont les médias? C’est eux qui construisent l’imaginaire d’un mouvement. Il est juste évoqué que manifestant n’équivaut qu’à casseur. Cette idée ne vient pas de nulle part. Car si l’on poursuit la logique s’il y a 100 000 manifestants ce qui voudrait dire 100 000 casseurs, il n’y aurait pas qu’une trentaine de vitrine cassé, quelques feus de poubelles et quelques voitures abîmées. Le bilan serait beaucoup plus grave. Pourtant, on continue toujours d’assimiler les deux. Et si c’était vrai, à chaque fois qu’il y aurait des manifestations, il y aurait de la casse et ce n’est pas le cas non plus. Et il y a toujours des gens qui viennent en manif pour casser et il y a aussi des gens qui sont payés pour casser pour limiter l’impact d’un mouvement. « L’art de la guerre » n’est pas ouvrage récent et on sait comment manipuler les gens et les messages. Est-ce que c’était trop dangereux d’aller sur le terrain de la communication, de la sociologie et de l’anthropologie? Mais en restant juste sur un point de vue en surface, on se sent un peu frustrée. Par contre graphiquement, bien que les phylactères ne soient pas toujours lisibles car trop ton sur ton par rapport à la couleur du dessous, c’est très dynamique. On sent l’idée de foule, de masse, de partage, d’amitié, de générosité… On pourrait croire un ensemble cohérent et bienveillant qu’importe le message porté qu’il soit sur les migrant, les droits de la femme ou les violence policières. C’est un parti pris assumé et audacieux. Le sujet reste très peu abordé dans le 9e art à ma connaissance. De plus, ce n’est pas à travers le regard de journalistes de terrain, ni de militants investis et encore moins de la police. Un angle original qui vaut la peine d’être lu pour montrer qu’il est possible de parler d’un sujet à travers plusieurs regards. Où est la vraie vérité? Entre les bulles surement.

On ne naît pas toujours avec des convictions d’égalité sociale. Rien n’empêche de pouvoir changer un jour.

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