Et s’il était possible de penser et agir en dehors de la machine? Il suffit d’une personne pour semer doucement le doute. Jusqu’à quand la résilience peut-elle perdurer?
4ème de couverture
La Machine nous a volé le sens de l’espace et du toucher, elle a brouillé toute relation humaine, elle a paralysé nos corps et nos volontés, et maintenant elle nous oblige à la vénérer. La Machine se développe – mais pas selon nos plans. La Machine agit – mais pas selon nos objectifs. Nous ne sommes rien de plus que des globules sanguins circulant dans ses artères.
Publiée en… 1909, cette stupéfiante anticipation écrite par le grand auteur britannique E. M. Forster (1871-1970) dépeint une société dans laquelle tous les besoins sont satisfaits par une machine omnipotente. Dans leur désir de confort total, leur obsession de se maintenir à distance des autres et du monde physique, et après avoir exploité les richesses de la nature, les humains s’en remettent donc à la seule technique, devenue leur idole.
Mon avis
Quand on ouvre le livre, on ne tombe pas directement sur l’histoire. Le lecteur tombe sur l’avant propos de Pierre Thiesset. Il évoque l’éditeur « L’échappée », de ces choix de publication et aussi l’aventure de cette nouvelle d’E. M. Forster. Publiée en 1909, elle résonne avec une incroyable contemporalité à chacun des individus du 21ème siècle. On s’interroge alors. Cet auteur était-il un visionnaire? La post-face du philosophe Philippe Gruca et de l’historien des sciences François Jarrige nous permettent de mieux analyser le texte avant de mettre notre vision du monde actuelle sur cette fiction. Une remise en contexte permet de mieux comprendre et d’éviter de dire que l’auteur avait vu l’avenir. Il a surtout perçu la croyance dans la machine qui commençait à son époque. Le techno-solutionnisme n’a pas changé en effet. Pouvait-il en être autrement d’ailleurs? Vous avez 3h pour proposer une réponse. En effet, on n’y voit des parallèles qui ont été d’autant plus accentué avec les isolements forcés de ces dernières années. Beaucoup d’individus en sont ressortis avec des peurs des échanges avec autrui, la peur de prendre les transports en commun, l’envie de rester enfermé chez soi dans un certain confort avec la livraison des courses, des repas… La surface de la Terre n’a pas besoin d’être irrespirable pour inciter à l’isolement. Les quidams ne recherchent-ils le bien-être et le confort à tout prix? Néanmoins, les liens sociaux restent présents et d’une façon aseptisée. Les écoutent et donnent des conférences sur des sujets qu’ils ne connaissent pas. On valorise l’expert qui n’y connait rien que l’on appelle ultracrépidarianisme. Il suffit de regarder les émissions d’informations en continu pour en voir. Le récit se construit autour de deux personnages avec une mère et son fils. Presque aucun lien affectif n’existe entre eux. D’ailleurs, ce n’est pas incité. A la naissance, on élimine les enfants qui auraient des aptitudes pour faire du sport, à l’agilité. Quelqu’un d’aventureux risquerait de remettre en cause le fonctionnement de la machine. Kuno ose dépasser les limites quitte à risque le bannissement : le « sans-abrisme ». Qui voudrait écouter son message? Plus la machine déconne et plus les gens acceptent d’avoir moins de service. Et quand tout se détruit, impossible de réagir car cela dépasse l’entendement de la raison. Faut-il alors développer une envie de développer notre esprit critique? Est-ce une envie réelle partagé par les citoyens? Les taux d’audience de Cyril Hanouna et programmes de « tv réalité » ont tendance à montrer que non. Du divertissement et du racolage avant tout. Parfois pas besoin de lire de la sffff pour se rendre compte que notre monde part mal. Une lecture percutante, drôle et très réflexive qui nous prouve que les interrogations d’hier sont toujours valables de nos jours. Reste à savoir si la fin devra être semblable.
Une lecture qui se dévore d’une traite qui nous pousse à s’interroger sur hier, aujourd’hui et demain.