Kallocaïne – Karin Boye

Et si vous n’aviez plus la possibilité de garder aucun secret? Comment feriez-vous pour vivre sereinement chaque jour? Serait-ce la fin de la liberté de penser?

4ème de couverture
Dans une société où la surveillance de tous, sous l’œil vigilant de la police, est l’affaire de chacun, le chimiste Leo Kall met au point un sérum de vérité qui offre à l’État Mondial l’outil de contrôle total qui lui manquait. En privant l’individu de son dernier jardin secret, la kallocaïne permet de débusquer les rêves de liberté que continuent d’entretenir de rares citoyens. Elle permettra également à son inventeur de surmonter, au prix d’un viol psychique, une crise personnelle qui lui fera remettre en cause nombre de ses certitudes. Et si la mystérieuse cité fondée sur la confiance à laquelle aspirent les derniers résistants n’était pas qu’un rêve ?

Mon avis
En un coup d’oeil, le livre m’avait murmuré « lis-moi ». Une couverture orange fluo, une seringue et un titre des plus énigmatiques : « Kallocaïne ». Pas besoin de lire la quatrième de couverture pour être convaincu du contenu. Et dès les premières pages me voilà aspirer à l’intérieur avec l’envie d’aller plus loin à chaque fois. En plus, il faut dire que Hélios – Les moutons électriques a pensé au confort de lecture aussi bien sur la qualité du papier, sa couleur, la police d’écriture et l’espacement entre les lignes. C’est important à souligner car c’est bien rarement le cas dans l’édition SFFFF. Quand on referme l’ouvrage, on voit une note qui précise que le roman est classé (par qui??) parmi les quatre dystopies fondatrices du genre avec « Nous » de Zamiatine de 1920, « Le meilleur des mondes » d’Huxley de 1932 et « 1984 » d’Orwell de 1948. Le tout en plus sous la plume d’une femme (moment girl power), poétesse, lesbienne et suédoise. Comme bien des phénomènes littéraires, le livre a été édité en 1940 en Suède, puis traduit en anglais pour l’étranger en 1966. En France, il est traduit en 1947 chez un éditeur très confidentielle.

« En dépit d’une surveillance de plus en plus poussée, nous ne nous sentons plus à l’abri, contrairement à nos espérances. Au lieu de cela, le sentiment d’insécurité gagne du terrain. Ne dit-on pas qu’une bête acculée, privée de toute retraite, passe à l’attaque? Apeurés que nous sommes, il ne nous reste rien d’autre à faire que frapper les premiers. Ce qui s’avère difficile, surtout quand on ne sait de quelle direction pourraient venir les coups… Comme le veut l’adage, mieux vaut prévenir que guérir. »

Karin Boye écrit à la première personne et raconte l’histoire via le regard d’un scientifique qui rédige ces mémoires au fond d’une prison. Il s’adresse à son lecteur avec qui il va se montrer le plus honnête possible. Dans la ville des chimistes n°4 de l’Etat Mondial, il développe un sérum de vérité auquel il donne son nom. Léo Kall créé la Kallocaïne qui rappelle d’autres drogues avec un nom semblable. Bien entendu, ce n’est pas monsieur Coc qui a créé la cocaïne. Quelle idée fabuleuse quand on est endoctriné dans un état totalitaire. Grâce à son produit sans effet secondaire, on pourra tout savoir des gens car ils devront être totalement honnête après l’injection. Mais protéger l’Etat des asociaux, des faux-patriotes, des menteurs est-ce si bien? La délation n’est-elle pas le système le plus productif? Progressivement, grâce à son chef et ceux qui testent le produit, le doute s’insinue dans son esprit. Où est la part de libre-arbitre, de liberté, de confiance, de co-construction? Rien qu’en osant penser cela, il a franchi une frontière. Pas le temps de se faire juger car la guerre éclate silencieusement et il se fait arrêter. Par qui? Pourquoi? Où est-il? Qu’importe. Ailleurs, le système est le même seul lui a changé, dans sa grande solitude.

« Celui qui échoue à inspirer la peur ne peut s’attendre à ce qu’on lui obéisse, bien évidemment, puisque l’obéissance naît la reconnaissance de la force, de la supériorité, de la puissance – car là où il y a la force, supériorité et puissance, il y a danger ».

On nous dépeint une société archétypale qui fait froid dans le dos et qui rappelle le nazisme, le stalinisme et d’autres régimes totalitaires toujours en place. On trouve les éléments phares avec la surveillance policière dans l’espace privée, la dénonciation, obligation de participations des citoyens aux célébrations et avec sourire et conviction, embrigadement des enfants dès 8 ans, l’endoctrinement comme mode de vie… Il n’y a plus de temps pour réfléchir, prendre des initiatives, avoir des passions, faire confiance… La kallocaïne permet d’identifier les crimes de la pensée. Ce qui glace le sang repose sur ces individus du « service des sacrifices volontaires » qui subissent toutes sortes d’expériences. Ce choix pour la grandeur de la nation les mets au banc de la société. Des personnes qui font partie de ces invisibles qui font tourner le monde et qui parfois s’interroge à l’image de cette secte silencieuse qui teste la confiance dans autrui. un récit qui fascine autant qu’il effraie car le champs du réaliste n’est vraiment pas très loin de nos connaissances et de notre monde.

Un roman qui va vous tournebouler. Etes-vous prêt à cela?

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