Il y a des artistes qui marquent bien plus qu’une seule génération. Mais pour faire sa place, rien n’est facile. Brel a du faire des sacrifices au nom de son art.
Trouver sa passion, ce qui anime son coeur n’est pas facile et qu’importe son âge. Jacques Brel n’échappe pas à cette règle. Une certitude en tout cas, l’école ce n’est pas pour lui. Alors à 18 ans, il intègre la cartonnerie familiale sans grand entrain. L’aventure l’attend quelque part, il n’en doute pas. Mais pour faire quoi et où? « On sait que l’on est devenu adulte quand on commence à s’ennuyer ». L’esprit créatif doit trouver un échappatoire. L’association de la Franche cordée fera l’affaire même si le swing, les hommes aux cheveux long et les filles en talons sont interdites. Ecrire des articles, des chansons, jouer de la guitare sont déjà des dérobades appréciables. En parallèle, le charme de Miche ne le laisse pas insensible. Très vite, une évidence lui vint. « Miche, il me faut une réponse tout de suite, veux-tu m’épouser? ». Malgré la pression sociale de l’époque, sa femme va le soutenir dans sa volonté de devenir un artiste car elle a vu en lui le germe du talent. Par amour, même avec deux enfants, elle l’incitera d’aller à Paris pour se faire sa place. Le chemin est long, difficile ce qui remet en cause la volonté. Très vite, son réseau d’amis avec Georges Brassens, Juliette Gréco, Jacques Canetti va être présent pour le soutenir, le guider et l’inspirer. Ainsi, il décide de persévérer ce qui va lui permettre d’écrire son premier tube, le début du succès. Il y a un prix à payer pour cela et c’est la famille qui va trinquer. Devenir chanteur demande des sacrifices.
Si l’on vous donne les titres des chansons suivantes : « Ne me quitte pas », « Amsterdam », « Quand on n’a que l’amour », « La Valse à mille temps », « Ces gens-là« , cela évoque tout de suite un chanteur. Que sait-on vraiment de l’individu qui se cachait derrière l’artiste? Jacques Brel reste un être secret dont on connaît quelques anecdotes et qu’il est enterré aux îles Marquises. Salva Rubio écoute sa fibre d’historien pour en savoir plus. Il va mener une enquête qu’il expliquera très bien en postface de l’ouvrage. On sent vibrer sa passion d’aller trouver des réponses, d’avoir des vraies informations. Pour raconter ces découvertes, ce n’est pas moins de trois tomes qu’il faudrait. Ce premier introduit l’adolescent belge en quête d’avenir à l’artiste de renommée qu’il commence à avoir. Les 64 pages se tournent captivé par cette personnalité entière qui se découvre, qui découvre l’amour ainsi que l’essence de sa vie. L’amour qu’il ne connaissait pas vraiment, il en voit un nouveau visage. Difficile d’en parler tant que l’on a pas eu le coeur brisé. C’est grâce à cela qu’il écrira des chansons qui parleront à toutes et tous. Un artiste insatiable qui a toujours besoin d’aventures. L’ennui est son pire ennemi. Le scénariste arrive très bien à donner cette tension et cette passion très vivace. Sa nouvelle collaboration avec Sagar, montre une confiance et une complicité entre les deux créatifs. Malgré une grande densité d’informations, aucune lourdeur ne se fait sentir, bien au contraire. Le graphisme avec les traits noirs marqués nous plonge à merveille aussi bien dans le Paris des années 50, en Belgique ou au Maghreb. Un duo qui montre avec élégance et d’intelligence l’intimité d’un homme simple, exigeant et torturé. On n’a très envie de poursuivre avec le second tome.
Un choix audacieux qui montre l’étendue du talent d’artiste qui mettent leur curiosité au service d’un récit.