Alison Bechdel livre un album autobiographique sans demi-mesure. Elle emmène le lecteur sur les traces de son passé houleux. Grandir est un chemin parsemée d’embûches.
Malgré un nom aussi joyeux que Fun House, la maison familiale cache bien des secrets. De l’extérieur, on pourrait croire que les Bechdel sont ordinaires. Seulement, le couple ne connaît pas le bonheur. L’a t’il déjà connu un jour? Le mariage reste une convention sociale à laquelle ils se sont conformés. Le fait d’avoir trois enfants, une fille et deux garçons ne changent rien aux choses. La tension est permanente. Le père, Bruce, est professeur d’anglais et patron d’une entreprise de pompes funèbres. D’ailleurs, parfois il demande à Alison de l’aider avec les cadavres. Pourquoi lui demander de faire face à la mort? Il partage tout de même des moments privilégiés autour de l’amour de la littérature. Des rares moments d’accalmie entre les tempêtes récurrentes. Puis quand tout devient trop problématique, Helen, décide de demander le divorce. Rien ne pourra être acté car peu de temps après le père décède dans un accident de voiture à l’âge de 44 ans. Malchance ou acte volontaire? Chacun se posera la question qui n’aura pas réponse. Toutefois des révélations vont donner un autre regard sur le passé. Ce papa si singulier aimait les hommes et les adolescents. En partant dans ces souvenirs d’autres indices indiquaient son orientation sexuelle.
Dans la famille Bechdel, vous avez demandé Alison? L’artiste a décidé de raconter son passé et d’évoquer son père. Cet homme particulier souvent étrange, maniéré et colérique avait lui aussi son jardin secret. Au final, il était homosexuel et devait cacher cela pour rester en vie. Est-ce lié à sa disparition? A t’il choisi de mourir ou pas? Le fait d’avoir annoncé à ses parents qu’elle est lesbienne a t’il été un déclencheur? Il n’est pas facile de trouver une logique à une situation qui échappe à la raison. Le hasard créé des situations qui n’ont pas forcément de lien entre eux. Il faut accepter le drame et pas tout rattacher à sa personne. En quittant la demeure familiale pour l’université, elle découvre sa sexualité, le féminisme, la psychologie… La littérature reste au cœur de sa vie car les livres accompagnent ses réflexions, ses doutes, ses espoirs, ses tristesses… La scénariste partage son analyse avec sincérité et violence. Elle montre aussi bien la mort, la puberté, les règles, les conflits dans un couple… Et elle trouve une façon d’accompagner la gravité d’une touche d’humour. Une catharsis qui devrait permettre de se sentir mieux dans son corps et son esprit. La critique n’est pas passée à côté puisque l’ouvrage a reçu un Eisner Award et le prix suédois Urhunden du meilleur album étranger. L’éditeur « Points » propose une réédition dans un petit format, agréable à lire et pas trop cher. Un choix judicieux pour lancer sa collection dans le 9ème art.
Un ouvrage audacieux sur la quête de soi et de son devenir.