
L’exil n’est pas un business comme un autre. Derrière des destins brisés se trouvent des pays qui choisissent d’investir dans le renforcement des frontières. Les cadavres s’accumulent au prix de la peur.
Le 1er juillet 2014 à 8h00, dans la région de Raguse au port de Pozzallo, les pompiers doivent vite intervenir. Leur chef leur demande de porter une double tenue au cas. Ils montent sur un bateau et vont dans la soute. L’un après l’autre, ils sortent des cadavres et ce pendant 18h00. Au final, il y avait 45 corps. Le lendemain matin, l’adrénaline est tombée et les professionnels doivent faire face à leurs sentiments. Certains n’y arrivent pas et mettent fin à leur jour. On ne ressort pas indemne en tout cas, « ça à changé ma façon de voir les immigrés. J’ai l’impression de connaître quelque chose de leur histoire désormais ». Dans le cimetière de catane en Sicile, on trouve de nombreuses tombes avec quelques chiffres et lettres dessus. « En 2014, 3 279 personnes sont mortes en traversant la Méditerranée ». En 2016, le chiffre est montée à 5 079 sans compter ceux disparus dans la mer. Le gouvernement italien fait appel à l’Europe pour la régulation des migrants. Les carcasses de bateau au fond de leurs eaux s’accumulent avec des dépouilles à l’intérieur. Un petit peu de chacun reste conservé si on venait à les chercher, on pourrait chercher une filiation. « Une identification c’est non seulement le début d’un deuil possible, mais ça signifie aussi un certificat de décès ». En 2016, le nombre d’arrivée est de 181 436, chiffre également en augmentation. Les états européens choisissent d’agir à la manière forte pour réguler ce qu’ils considèrent comme un vrai problème et partout sur la planète.

Malheureusement l’immigration est un sujet intemporel qui ne connaît jamais la crise. Les conflits armés, les dictatures, la violence, l’incitation à la haine, la grande pauvreté… poussent des citoyens du monde à fuir leur pays. Pour espérer vivre dans de meilleurs conditions, ils sont prêts à tout. Les passeurs profitent de la demande pour s’enrichir. Qu’importe les conditions de voyage, ils ne s’engagent à rien, même pas arriver en vie. Pour éviter les arrestations, ils mettent d’autres migrants comme conducteur de bateau. Ainsi s’ils se font arrêter, se sont eux qui iront en prison et non le commanditaire. Comment les arrêter? Comment faire pour collaborer avec un pays en guerre ou sans gouvernement fixe? De nombreux individus décédés, ils ne restent quelques prélèvements organiques, quelques biens personnels dans des boîtes conservées à l’institut médico-légal LABANOF, à l’université de Milan. Bien souvent, ils restent des inconnus qui finiront oubliés. Est-ce une fatalité? Taina Tervonen soutient et prouve que c’est un choix politique assumé et ce depuis les années 70. « C’est une aubaine pour l’industrie de la défense qui développe des outils de plus en plus sophistiqués pour surveiller les frontières » et ce même en Afrique. La scénariste affirme ces convictions avec détermination et des données. Par conséquent, ce n’est pas pour tout public. Pour donner vie à tout cela, Jeff Pourquié propose un travail proche d’un peintre. Il réalise des images très marquantes avec ces cadavres bien souvent au fond des mers. Cette approche apporte beaucoup de réalisme et d’humanisme. On se sent plus proche de ces personnes qui ne sont plus tellement des inconnus.
Une lecture percutante qui pousse à réfléchir face aux discours simplistes que l’on entend trop souvent.

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