Le monde sous-marin est d’une très grande richesse et bien souvent négligée. Donc si l’on retire l’humain de l’équation, la nature se portera mieux. Anne Defréville nous invite à le découvrir et de mieux le comprendre.
L’histoire débute dans 300 millions d’années. L’Amérique du Nord et l’Asie sont entrés en collision formant l’Amasia. « L’océan Atlantique est devenu le super océan… et la mer Méditerranée, un désert de sable ». L’Homme a disparu, rayé de la carte. Par contre, les mammifères marins vivent et s’épanouissent tranquillement. Parmi eux, on trouve des cétacés archéologues qui étudient des strates géologiques et réalisent même des analyses au carbone 14. Par conséquent, on forme les jeunes à la compréhension du monde d’avant et d’aujourd’hui. Alors à la question de qu’est-ce qu’un cétacé, un jeune propose la réponse suivante : « C’est un mammifère marin car cette cage thoracique est souple et autorise une déformation importante. Elle s’adapte à la différence de pression des profondeurs ». Rien de telle qu’une petite leçon d’anatomie pour poser le cadre. Car ainsi cela permet d’aller plus loin pour la suite. Evoquer les grandes extinctions facilite de mieux positionner leur présent dans toute la chaîne du vivant depuis son apparition. Sans omettre bien entendu les liens taxonomiques entre les mammifères et les laurasiathériens pour l’analyse de l’évolution moléculaire. Afin de poursuivre l’étude, il est nécessaire de comparer par exemple les mysticètes et les odontocètes. Un point commun les relie puisqu’il faut bien qu’ils se nourrissent. Que peuvent-ils manger? « Le plancton est un groupe d’organismes en suspension, qui peut appartenir à plusieurs familles de l’arbre de filiation de la vie sous-marine. Il est souvent microscopique. » Sa présence n’est pas négligeable puisqu’elle représente 98% de la biomasse des océans. Sa présence fait partie d’un écosystème plus global qui prend en compte aussi bien les oursins, les loutres ou les oiseaux et où la baleine joue un rôle important. Le monde n’est pas toujours tout bleu surtout quand l’humain sévissait. Un fragile équilibre qu’il est important de comprendre pour le préserver.
Delcourt propose un nouveau album dans sa collection Octopus. On y trouve des ouvrages pour faire réfléchir et voir le monde à travers d’autres prismes. Avec curiosité nous nous sommes plongés dans le corps du futur, le voyage sur Mars, une ballade en philosophie et aussi dans l’esprit critique. Les sujets sont toujours d’une grande variété et abordés avec intelligence ainsi qu’humour. Donc on ne s’étonne pas de trouver « Mémoires d’un cétacé » . L’éditeur propose, en plus, des bonus en réalité augmentée et les informe dès le début les lecteurs. Normal, puisque l’application est à utiliser au fur et à mesure de votre lecture. Après chacun est libre d’en faire usage ou non. Anne Defréville poursuit son travail sur le milieu marin après son album « L’âge bleu ». Cette fois-ci, elle choisit une approche plus pédagogique, didactique avec d’une part une vision d’un avenir où l’humain aura totalement disparu. Et d’autre part, avec la transmission de connaissances réalisée par les cétacés eux-mêmes sur leur genèse. Afin que l’on ne soit pas trop surpris que les animaux posent des réflexions très anthropocentriques, la scénariste le signale dès le début. On peut se demander pourquoi des bêtes chercheraient à apporter une vision sur leur situation dans le temps à travers le prisme humain. Qu’est-ce que cela leur apporterait? C’est un choix scénaristique assumé. Tout comme avoir des cartes explicatives, des livres en papier, faire des recherches, analyser des données sous l’eau et sans système préhenseur. Ca déroute même bien que l’on soit averti. Cette forme d’approche reste assez rare et très singulière. D’autant plus que les données sont réelles et très conséquentes. Elles concernent des fresques temporelles, des références à des biologistes, de la terminologie allant jusqu’à évoquer des démarches artistiques. Mais on se demande à quel public cela est destiné. N’est-ce pas trop complexe pour des enfants? L’approche n’est-elle pas trop « enfantine » pour des adultes? Graphiquement, Anne Defréville nous charme encore avec son dessin très précis et sa maîtrise des nuances de bleu. Est-ce suffisant?
Une bd dense, complète et très riche sur le monde sous-marin sans humain.