Invincibles – Au pays du Dalaï-Lama – Sofia Stril-Rever et Kan Takahama

Parfois on croit que tout va bien. Et puis un jour, l’improbable arrive et c’est toute une vie qui est remis en cause. Impossible alors d’aller de l’avant?

En France, Maya s’est retrouvée au mauvais endroit au mauvais moment. Elle a été victime comme tant de gens d’un attentat terroriste. Elle reprend conscience à l’hôpital. Toutefois, elle se rend compte très vite qu’il lui manque la jambe gauche. A 19 ans, elle a l’impression que sa vie est terminée. Sa mère ainsi que son médecin tentent de la rassurer surtout qu’elle va pouvoir avoir une prothèse. Son membre fantôme la fait terriblement souffrir. Comment pouvoir retrouver sa vie passée maintenant? Seule dans sa chambre, elle regarde son téléphone et voit le Dalaï-Lama répondre à des questions. Sa quiétude et son assurance, la touche. Elle décide d’écrire à la femme qui lui tenait compagnie, Sofia, afin de l’aider à la compassion et à la sérénité dans sa démarche de remise en jambe. A sa grande surprise, la jeune femme vient lui rendre visite et sympathise. Même mieux, elle l’inspire pour s’adapter plus efficacement. Et le progrès sera plus concret lorsque Sofia propose de l’accompagner rencontrer le Dalaï-Lama en personne à Dharamsala. Son épreuve lui donne l’envie de créer une association pour permettre aux défavorisés d’avoir accès eux aussi à des prothèses. Voilà une belle idée qui mérite d’être soutenue. Le voyage s’annonce prometteur et très riches d’enseignements. La prise de conscience est plus importante que prévue et c’est un nouveau regard sur le monde qui s’offre à elle.

Sofia Stril-Rever décide de prendre comme personnage principale une jeune fille amputée suite à un acte terroriste en France. Non pour raconter son parcours pour se remettre de l’absence de son membre manquant. Mais pour aller plus loin dans la démarche, pour parler de méditation, de chemin spirituel jusqu’à la présence des chinois au Tibet qui oppriment les autochtones et leurs croyances. Un sujet assez sensible très rarement abordé dans le 9ème art. Le traumatisme subit par Maya est une façon délicate de faire un parallèle avec la souffrance subie chaque jour dans ce pays non libre. De plus, des personnes s’immolent pour montrer leur désaccord. Parfois, des personnes ne meurent pas de cette souffrance consciente terrible comme ce jeune moine Lobsang Tenzin qui a perdu ces jambes et ces bras. Le pouvoir chinois l’a alors enfermé pour le torturer ainsi que ces parents qui en sont morts. Grâce à une coopération forte sur place, malgré le danger, ce jeune homme va pouvoir s’en sortir avec sa soeur. Le pouvoir de la compassion dépasse et transcende les choses qui nous entourent. Le parcours singulier et peut-être trop idyllique prouve que c’est possible. Une tortionnaire peut devenir lui aussi un gardien de la paix et de la tolérance. Ne pouvait-on plus beau message de paix et d’espoir?

Au niveau graphique, quel plaisir de retrouver le travail de Kan Takahama. Elle m’avait déjà émerveillé avec son excellente série « La lanterne de Nyx » et les one-shots comme « Tokyo, amour et liberté » ou « Le goût d’Emma ». Elle apporte ici aussi sa douceur, sa délicatesse et sa bienveillance à un récit qui critique un système politique fermé, violent et intolérant. Le message s’accorde à la perfection aux dessins. Surtout que cela est inspiré d’une histoire vraie. Impossible que cela ne fasse pas réfléchir le lecteur.

Une lecture bienveillante et audacieuse qui amène chacun à réfléchir sur ces choix et qui incite à devenir un véritable acteur dans un monde en changement.

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