Sans alcool – Claire Touzard

L’alcool est pour beaucoup un véritable compagnon du quotidien. Tout est occasion pour boire mais est-ce raisonnable ? Claire Touzard nous emmène dans son parcours où elle a dit oui à la sobriété.

En soirée, en terrasse, pour un évènement, avec des collègues… il y a toujours un moment pour boire un verre. Bien entendu pas du thé ou du jus de goyave, de l’alcool. Et puis, il vient un moment, la limite a été dépassée. Est-ce qu’on a des souvenirs de ce qui s’est passé la veille ? Pourquoi je suis dans un lit avec ce mec ? Des questions qui amènent parfois à un déclic. Claire Touzard l’a eu. Après avoir laissé tomber la cocaïne, le tabac c’est au tour de l’alcool de quitter sa vie. L’amour d’un homme devenu sobre va au combien l’aider dans ce chemin semé d’embuches. « Je n’allais pas seulement me frotter à mes démons, à mes frustrations : j’allais devoir affronter tous ceux des autres. Car en France, tout le monde boit. Et personne ne veut en parler. La sobriété est corrosive, elle est le grain de sable qui vient enrayer un déni bien huilé. »

Car c’est lorsqu’on s’éloigne de la boisson festive qu’une autre réalité sociale apparaît. Doit-on boire pour être drôle et détendu ? Il faut croire car lorsqu’on dit que l’on ne boit pas d’alcool on vous juge et on vous met à la question. Comme si l’on s’interrogeait sur votre équilibre mental. « Cet après-midi-là, je scrute une jeune femme blonde, à l’air fatigué, qui commande un vin blanc à 17 heures En face d’elle, le jeune homme a des cheveux longs et un blouson un peu vintage. Il a demandé un Coca. « Désolé, j’ai fait fort hier », dit-il. C’est cocasse, qu’il s’excuse de ne pas l’accompagner. » Il ni a que lorsqu’une femme est enceinte que le discours change. Dans la vie d’une femme, il y a des moments plus propices à son alcoolisme. Avant et après, elle peut ruiner sa santé et son mental mais pas pendant.

L’alcool fait des ravages de plus en plus chez les femmes qui ont selon les scientifiques une corpulence moins adaptée pour résister aux effets néfastes. « Je crois que je n’ai jamais réfléchi aux conséquences physiques de s’envoyer dans le foie des litres d’alcool pendant vingt ans. Je croyais que comme tout le monde le faisait, au fond, cela était innocent. C’est un peu comme la clope : on pense toujours que l’on est un être divin, qui va passer entre les gouttes, avant de se ramasser un cancer du poumon. »  Pourtant, c’est une forme de féminisme pour montrer en général au patron qu’elles aussi elles peuvent boire pendant les repas et aux apéros après le boulot. Mais cela s’accumulent aussi aux soirées professionnels, les soirées avec les amis, la famille…. Toute relation sociale se construit autour de la boisson comme il ne pouvait en être autrement. Cela peut amener à des comportements au combien dangereux et sans limite.

On reste dans une image de quelque chose de chic, tendance, festive loin des images de Victor Hugo. D’ailleurs dans des séries populaires comme « The Good Wife », l’avocate Alicia Florrick s’envoie de très généreux verres de vin et cela va vers la consommation très accrue avec Jules dans « Cougar Town » et Samantha Jones dans « Sex and the city », tout en restant classe et parfaite. On n’oublie parfois que ce sont des fictions. Les récits aux Alcooliques Anonymes ou dans les services d’addictologie sont d’un autre ordre et vraiment moins sexy quand cela n’est pas dramatique.  « Il y a cette illusion chez les cools, les intellos, que la picole médiocre ne nous concerne pas. L’alcool triste, c’est réservé au type sans dents et sans emploi, qui carbure au pastis dès 10 heures du matin au PMU. Notre vin festif, en revanche, n’aurait aucun effet toxique. Dans l’inconscient collectif, les buveurs de classe moyenne ou bourgeoise seraient exonérés de la dépression et de la cirrhose. Ils sont bon vivants, marrants, artistes excentriques, nihilistes. Français. »

Claire Touzard partage avec sincérité et pudeur son chemin sur plus de 220 jours pour dire non à l’alcool. Ses interrogations personnelles croisent celles sur la société. A t’elle hérité du gêne du trop ? L’état n’est-il pas complice de cet alcoolisme grandissant que cela soit chez les adolescents ou adultes ? N’avons-nous pas entendu le Président de la république qui n’encourageait pas au Dry January ?  « « C’est comme si, au fond, prendre la liberté de ne pas boire était liberticide » ».  N’oublions que les débits de boissons étaient considérés comme des magasins nécessaires contrairement aux librairies au même titre que les vendeurs de tabac ou les tabacs presses qui proposent le tiercé. Boire tue, fumer tue et jouer tue mais cela rapporte de l’argent. Est-ce que l’on évoque l’augmentation des violences conjugales souvent liées à la consommation d’alcool ? Maintenant, il y a un vrai numéro d’écoute active. Ouf, un problème de résolu ou pas.

Est-ce que les boivent vraiment juste par plaisir ? Ne veulent-ils pas fuir une souffrance, une douleur, le mal-être ? « Je ne dis rien, je le laisse prendre sa dose de walk of shame comme on aime l’appeler. L’ego bourré se dégonfle toujours comme un vieux ballon que l’on perce, le lendemain, et advient alors le retour cruel de la conscience. Mais ce n’est plus mon problème. On aura beau le nier le lendemain, susurrer « ce n’est pas moi, tu comprends », c’est bien nous. C’est toujours tout à fait nous. » Cette volonté de fuite reste quand ils ont dessaoulé. Quel chemin prendre : replonger pour oublier un instant ou faire face à avancer. Facile dans l’idée, difficile dans la concrétisation mais pas impossible. « L’intérêt de la sobriété est de connaître mes travers pour mieux les apaiser. C’est sans doute le plus dur parfois, lorsqu’on arrête de boire : reluquer le pire de soi, les yeux dans les yeux. »

Un livre qui va interroger des gens sur leur rapport à leur consommation d’alcool et qui porteront ou non un regard critique. Cet ouvrage montre aussi la complexité d’une addiction que beaucoup considère juste comme une légère passade facile à surpasser. Combien de fois n’avons-nous pas entendu « Il suffit de retirer la bouteille d’alcool et elle ne boira plus » ? Une addiction n’est pas un simple caillou dans une chaussure que l’on enlève. C’est plus complexe, plus personnel et très malsain. A chacun de vouloir s’en sortir ou non ou d’aider ceux qui le veulent pour qu’ils restent sur le bon chemin. Sobre, les choses ont une autre saveur, plus vraie, plus authentique, plus simple. « Avant je buvais, je fantasmais. Aujourd’hui je vis ».

Un témoignage à lire et à partager car dans nos entourages nous connaissons tous des gens qui ruinent leur personne dans l’alcool. Il est possible de s’en sortir, encore il faut le vouloir.

 

2 commentaires

  1. Quand tu ne bois pas, ou alors, peu, on te regarde toujours de travers… J’apprécie de boire une bière ou un verre de vin, mais l’unité est dite : 1 !!! Et si je bois deux verres de vin, ce sont des petits… Ok, j’ai eu quelques fois dans ma vie où j’ai été chocolat bleu pâle après 4 verres de vin (même pas des remplis !!), mais nous étions à la maison et jamais je n’ai perdu connaissance. Mais pour certains, si tu ne bois pas, tu ne sais pas t’amuser…. :/

    • je ne connaissais pas l’expression chocolat bleu pâle qui fait très sens.
      Je ne bois pas d’alcool et dans le monde d’avant on me demandait toujours de me justifier. On me catégorisait de rabat joie car je ne voulais pas saouler. J’ai été à des soirées où les gens finissaient dans des états pas possibles. On reproche au sobre d’être ennuyant. Mais il y a pas pire que celui qui ne veut pas voir. Et on peut tellement s’amuser même sans alcool.

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