Swing Time – Zadie Smith

Pour échapper à sa condition sociale, il suffit parfois d’une comédie musicale, de danser et de chanter. C’est le cas de deux petites filles dont le chemin de la destinée va s’écrire différemment. Prêt pour un moment de « Swing Time » ?

Pour son cinquième roman, Zadie Smith nous plonge dans un récit où le temps raconte le destin de deux petites filles métisses. Pourquoi préciser la couleur de peau ? C’est un sujet très important pour l’auteure qui interroge souvent la place des gens par rapport à leur couleur de peau. Les deux filles n’ont pas vraiment la même couleur mais elles doivent faire face tout de même face à des problématiques similaires. Toutefois chacune prendra un chemin différent dans la vie. L’une tentera de devenir danseuse mais qui finira mère au foyer avec des enfants de pères différents. Sa beauté et son dynamisme d’antan ont laissé place à un corps fatigué et une colère explosive. Pour la narratrice, après des études en communication, elle trouve par hasard un boulot d’assistante d’une superstar pop. Jour et nuit, 7 jours /7, elle s’occupe d’elle, de ses amours, de ses concerts, de ses sorties, de ses enfants, de ses avortements… Aimee est une personnalité accaparante qui se préoccupe uniquement de sa personne.

Les années passent à son service sans trop de vague jusqu’au jour où elle couche avec l’ex ou actuel petit ami de la star. Ramdam médiatique et chômage immédiat… c’est à partir de là qu’elle doit opérer un questionnement sur son avenir. Après tout ce temps qu’est-ce qu’elle possède ? Pas grand-chose mais n’est-ce pas suffisant pour repartir du bon pied ? Le temps a-t-il détruit le lien entre les deux amis?

“Il fallut que Tracey arrive dans ma classe pour que je comprenne ce qu’elle était vraiment. J’avais cru qu’il s’agissait d’une salle pleine d’enfants. En fait, c’était une expérience sociale. La fille de la cantinière était assise à côté du fils d’un critique d’art ; un garçon dont le père était en prison avait pour voisin le fils d’un policier ;  et la fille d’un préposé des postes partageait le pupitre de la fille de l’un des danseurs de Michael Jackson.”

L’auteure choisit de faire des bons dans le temps entre sa jeunesse et sa vie d’adulte. Ces va et vient ne perturbe en rien la lecture. Mais je me pose la question pour cette obsession pour Tracey qui au final a toujours été une petite fille assez méchante, cruelle et manipulatrice ? Pourquoi la narratrice a une telle fascination pour cette amie qui n’a rien fait pour elle, bien au contraire ? En effet, elle n’a eu forcément une jeunesse dorée cela suffit-il à transformer les gens en être sans cœur ? L’évocation d’un viol est suggérée ici et là. Le sujet est tabou, d’autant plus quand on est issu d’un quartier pauvre. Cette misère sociale est évoquée pendant les 500 pages avec son lot de drogués, de femmes qui tombent régulièrement enceintes, du chômage, du trafic… Peut-on échapper à sa situation de naissance nous interroge-t-on ? Réponse en demi-teinte qui penche beaucoup vers la négative. Une réflexion qui se pose aussi avec ce projet en Afrique pour créer une école pour les filles. Les filles subissent la pression pour se marier et faire des enfants. Et la présence des religieux qui profitent du laxisme de l’état pour faire main basse sur ces gens facilement manipulables et dans la misère que l’on peut même inciter à s’engager dans l’extrémisme. Il y en a même qui vendent leurs enfants pour de l’argent surtout que l’on peut en refaire plusieurs.

A travers toutes ces questions, pointe un peu d’optimisme comme ce plaisir de regarder devant les pas virtuoses de Fred Astaire et de Jeni LeGon quand les filles se rêvaient danseuses. Cette entrée en matière autour de la danse donne un rythme à toute l’histoire. Il est tout le temps fait référence à un tempo que cela soit celui de la vie ou celui de son cœur. Amour, déception trouvent un écho dans des notes que nous ne voyons pas. Le titre de « Swing Time » résonne avec une justesse surprenante d’autant qu’il fait référence à une comédie musicale avec Fred Astaire. Tout n’est que comédie. Derrière cette musique dynamique et les sourires de façade se cache une vraie souffrance et une question de l’appropriation culturelle.

Si vous cherchiez la réponse à : Comment devient-on ce que l’on est ?, vous ne la trouverez pas dans ce roman. C’est à vous de trouver votre destinée.

L’avis de La Jument Verte : « Ce livre, très riche, a pour toile de fonds la difficulté de certaines populations pour sortir de la misère…que ce soit à Londres ou en Afrique… corruption des élites, optimisme et désespoir des populations tentées par le mirage de l’immigration en Europe ou de se tourner vers l’islam … »

L’avis de Natiora : « Si vous avez envie d’un roman dense, dépaysant, intéressant, foisonnant, émouvant et intrigant, tentez le coup. »

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