
George Orwell, dans Comment meurt la littérature, dissèque les mécanismes avec la censure, la langue dévoyée ou l’auto-censure par lesquels l’écriture libre s’étiole. À l’ère des fake news brandies par Trump et du verrouillage médiatique orchestré par le pouvoir russe, son diagnostic résonne cruellement. Lire Orwell aujourd’hui, c’est adopter un programme de vigilance : défendre la vérité des mots pour sauver la vitalité des lettres.
4e de couverture
Dans un futur lointain, nous apprendrons peut-être à dissocier la création littéraire de l’honnêteté intellectuelle. Pour l’heure nous savons seulement que l’imagination, tout comme certains animaux sauvages, n’est pas féconde en captivité. Tout écrivain ou journaliste qui nie cela appelle, en réalité, à sa propre destruction.
Mon avis
Dans cet essai, publié en 1946 sous le titre The Prevention of Literature, George Orwell diagnostique les causes d’un lent assassinat des lettres : orthodoxie idéologique, censure déclarée et plus insidieuse, l’auto-censure dictée par la peur ou le conformisme de milieu. Il pointe aussi l’euphémisation du langage politique, ces “locutions toutes faites” qui obscurcissent le réel et rendent la pensée honnête plus difficile.
Sa mise en garde centrale tient en une phrase : si l’écrivain ne peut plus “critiquer et s’opposer”, la littérature se flétrit et devient simple propagande. L’ennemi mortel n’est pas seulement l’État censeur, c’est l’alliance toxique d’une idéologie dominante et d’intellectuels qui s’y soumettent. L’auteur décrit déjà la censure “volontaire”, ce réflexe d’éviter les sujets gênants parce qu’ils risquent de coûter cher.
Le parallèle avec notre présent s’impose. Aux États-Unis, la rhétorique visant à délégitimer des médias considéré véhiculer des “fake news” ou “ennemi du peuple”. On réactive un lexique historiquement autoritaire et installe un climat où l’enquête indépendante est suspecte par principe. Ce discours, documenté par des observatoires de la liberté de la presse et des analyses académiques, n’interdit pas de publier, mais fabrique de la suspicion, ce qui suffit souvent à désarmer la vérité. L’Histoire de la presse aux Etats-Unis est rempli d’interdiction d’état et de riches propriétaires. Les pressions politiques influent sur les conditions mêmes d’écriture.
En Russie, la mécanique est plus frontale, du moins dans le choix de l’auteur avec un verrouillage médiatique, lois pénalisant la diffusion d’informations dites “extrémistes”, blocage des médias indépendants et criminalisation accrue de la dissidence. Un fait toujours constatable avec la guerre en Ukraine et l’invention d’un récit complet. Les opposants décident de fuir pour leur survie.
C’est pourquoi ce texte reste précieux. Il ne nous dit pas seulement comment la littérature meurt, il nous rappelle comment elle survit par l’exigence d’honnêteté intellectuelle, la liberté d’examiner les faits, et le courage de nommer les choses sans travestir les mots. À l’ère des narrations concurrentes et des vérités opportunes, la leçon d’Orwell est moins un verdict qu’un programme de vigilance. On aurait apprécié que son analyse dépasse la prose et aussi l’angle russe. Il manque d’esprit critique envers sa nation, loin d’être parfaite et l’Europe, ainsi que d’autres continents sont absents. Une vision du monde assez réduite qui montre aussi une vision assez américaine.
Une lecture assez intéressante dans un contexte que l’on peut mettre à notre époque. La liberté d’expression existe t’elle vraiment?
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