Le grand A – Il mange 195 jours de votre vie – Xavier Bétaucourt et Jean-Luc Loyer

Progressivement, le supermarché s’est imposé dans les villes. Et cela a amené de profondes modifications sur la vie des centres villes, de la typologie des achats et sur les politiques locales. Xavier Bétaucourt et Jean-Luc Loyer proposent un voyage analytique sur ce phénomène impactant, encore de nos jours.

4e de couverture
L’Hypermarché est-il un ogre qui dévore et détruit tout sur son passage ou est-il source de développement ? Comment fonctionnent les filières d’approvisionnement ? Les producteurs locaux sont-ils les laissés-pour-compte de ce gigantisme ? Les clients sont-ils les victimes de la guerre économique liée au modèle de consommation ou en sont-ils les bénéficiaires ? Les hypermarchés sont-ils responsables de la malbouffe ? Le petit commerce et la vie des centres-villes sont-ils victimes ou coupables de ne pas s’être adaptés ?

Mon avis
Xavier Bétaucourt, scénariste et journaliste avec Jean-Luc Loyer, dessinateur et coloriste, réalise une bande dessinée de 136 pages consacrée au plus grand supermarché de France, implanté depuis 1972 dans la banlieue d’Hénin-Beaumont. « Le grand A » fait référence à Auchan de Noyelles-Godault. Important employeur local, très fréquenté ce trouve au cœur d’enjeux sociaux et de débats politiques.

Les bédéastes d’origine du Nord-Pas de Calais parlent de leur territoire. Le passé minier est passé d’une zone forte et riche à un désert économique. On passe du plein emploi où l’on va même chercher de la main d’œuvre à l’étranger avec des polonais et des italiens. A partir des années 60, le niveau de chômage augmente au même rythme que les les mines de charbon ferme. Donc l’arrivée d’un supermarché en 1972 est un évènement d’une grande curiosité qui va changer de nombreuses pratiques. Les magasins du centre-ville vont les uns après les autres fermés. Moins de gens vont au marché. « Faut créer l’événement, marquer les esprits. Si les enfants aiment, ils voudront revenir. Forcément, ce sera avec leurs parents. J’dois pas faire de politique, j’dois faire du social. On a quand même 72% de clientèle ouvrière ici. C’est moi qui ai inventé le rayon discount. On l’a testé ici et maintenant il est partout… J’ai même créé une crèche dans la galerie… Je donne aussi les invendus aux restos du cœur et à la banque alimentaire. C’est normal, l’entraide entre les gens, c’est dans les gènes de la région. » (p. 25). Le directeur de magasin impacte également les éleveurs et agriculteurs aux alentours en imposant des tarifs toujours plus bas pour se faire toujours plus de marge.

Bien entendu, impossible de ne pas évoquer le Front National qui depuis n’arrête pas de prospérer dans ces zones. Les centres villes se dépeuplent, les jeunes peuvent s’y retrouver, des kebabs et fast food ouvrent. Comment ne pas y voir une zone dangereuse? La haine peut ainsi trouver plus d’écoute avec des discours simplifiés. La mentalité des territoires changent. Un supermarché dépend aussi de l’écoute des élus en place. Ils ont tout intérêt à flatter les bons parties. Ces nouveaux espaces de consommation restent peu étudier aussi bien en sociologie que dans le 9e art. A la fin de l’ouvrage, le scénariste fournit des explications complémentaires par rapport aux situations évoquées. Tout repose sur des faits. Il aurait été intéressant de coupler avec des artistes de presse pour donner aussi une photographie réaliste de cette période.

L’approche est assez globale puisque l’histoire du supermarché, se superpose à l’évolution de la place du magasin dans la zone géographique. Cela se fait à travers plusieurs couleurs pour bien comprendre à quelle époque nous sommes. Certaines attitudes ont changé et d’autres non. Les besoins des consommateurs se modifient. A la fois c’est très instructif et cela semble un peu déconstruit. On prend son temps pour lire et assimiler l’ensemble des données. D’autant plus que l’approche est assez péjorative et sombre. L’accès à plus d’achat génère de la pauvreté, de l’exploitation, de la manipulation, de la malbouffe, de la fermeture des magasins de proximité… Le dessin un peu abrupte ainsi que des couleurs sombres contribuent à cela.

Une lecture singulière et instructive qui nous pousse à voir les supermarchés autrement ainsi que l’émergence de nouvelles formes de commerce.

4 commentaires

  1. Les gens vont au supermarché parce que tout y est ! Pas besoin de se casser la tête pour trouver une place en ville, pas besoin de payer son parking, tout est fait pour nous faciliter la vie et nous détourner des petits commerçants de la ville :/ Machiavélique !

      • Mais bien sûr que si, on achète des trucs dont on n’a pas besoin, mais ils arrivent à nous faire croire que l’on en a besoin ! Il y a des super marché qui sont magnifiques, je pense à un Delhaize… Tout y est bien mis en valeur. Moi, je vais à Colruyt, c’est brut, des étagères de métal, pas de présentation folle, des prix un peu plus bas qu’ailleurs et ma foi, ça compte… Mais quand je vois les Leclerc ou Intermarché en France, avec les rayons vêtements que tu peux entrer à poil et sortir habillée, je me pose des questions…

      • dans ma ville, il n’y a qu’un centre commercial et il est à moitié vide car très vieux et c’est loin de chez moi. Je fais mes courses à Monoprix, c’est le moins cher et le moins loin. Mais quand je vais chez mes parents je vais à Leclerc pour acheter des choses moins chers qu’Paris et je vais aussi au marché.
        Il doit y avoir un juste milieu et cela dépend où tu habites aussi.

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