Bobigny 1972 – Marie Bardiaux-Vaïente et Carole Maurel 

Le droit à l’avortement n’est pas né de la volonté d’un homme comme on peut l’entendre. Il a été débattu dans les chambres de l’Etat grâce à des luttes de femmes. Le procès de Bobigny en 1972 fait parti de la prise de conscience de la société.

4e de couverture
Mon corps, mon choix : un procès historique
En 1972, Marie-Claire Chevalier, enceinte à la suite d’un viol, est dénoncée pour avortement clandestin par son propre agresseur. L’avortement est encore, à cette époque pas si lointaine, un délit passible d’une très forte amende et même d’incarcération. Sa mère qui a tout mis en œuvre pour lui venir en aide, ainsi que des femmes ayant pris part aux événements, comparaissent elles aussi devant la justice, pour complicité. Cette affaire dramatique tristement banale devient l’un des grands procès historiques par le concours de Gisèle Halimi, avocate de toutes les grandes causes féministes et antiracistes. Elle s’empare de l’histoire de Marie-Claire et de sa mère, pour créer un électrochoc médiatique, public et sociétal. Elle ne défend plus une jeune femme « coupable » d’avortement, elle attaque les lois et politiques anti-abortives qui sévissent en France. Forte du soutien de grandes stars françaises, actrices, intellectuelles, journalistes mais aussi personnalités politiques, Maître Halimi a pour objectif de provoquer une jurisprudence dont le tribunal de Bobigny devient le théâtre.
Traitant d’un sujet qui aurait pu rester un fait divers, ce roman graphique, développé avec force et réalisme par Marie Bardiaux-Vaïente et magnifié par Carole Maurel, revient sur l’histoire de celles qui ont préparé le terrain pour la loi Veil, promulguée en 1975. Un album puissant, poignant, et nécessaire dans le contexte actuel. Marie-Claire fut le symbole de toute une génération, portée littéralement par sa mère et son avocate, mais aussi par toutes celles qui vivent l’intolérable injustice de centaines de milliers de femmes chaque année, dont les plus précaires sont les victimes les plus criantes. Un édifiant plaidoyer pour la liberté et l’émancipation, à lire absolument.

Mon avis
On ne s’étonne pas de trouver Carole Maurel au scénario et à la couleur de cet album. Elle a déjà écrit sur des sujets sensibles liés aux femmes dans de magnifiques albums comme « Ecumes », « En attendant Bojangles » ou « Collaboration horizontale ». Les femmes sont au coeur de l’Histoire et des récits. Aucune mise en lumière n’est négligeable. Pour la première fois, on trouve une bd qui parle du procès de Bobigny avec Gisèle Halimi. Il est souvent cité dans les bd féministes comme un évènement important. Là, on explore l’intégralité de l’évènement et son impact de la société. On pourrait dire que les aspects les plus sombres n’ont pas été abordés. Où sont les intégristes religieux? Ceux qui ont menacé de mort les femmes demandant la liberté de leur corps? Tous ces opposants prônant un conservationnisme relatif à des valeurs morales d’un autre temps, très phallocrates. Les paroles de haine n’ont pas leur place ici.

On se concentre sur le déploiement d’un procès couvert au niveau national, montrant une adolescente de 15 ans violée, Marie-Claire Chevalier, et qui a avorté. On remet en cause son viol dont la définition légale reste flou. Elle « sera punie d’un emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de 360 F à 20.000 F la femme qui se sera procuré l’avortement à elle-même ou aura tenté de se le procurer, ou qui aura consenti à faire usage des moyens à elle indiqués ou administrés à cet effet ». D’ailleurs, on ne cherche pas à condamner son agresseur ni mettre le focus sur lui qui est à l’initiative de ce procès.

Grâce à la détermination de plusieurs femmes qui ont oser dire publiquement « on a avorté », les lignes changent. Une association se crée, des professionnels de la santé même croyant prônent le droit aux femmes de disposer leur corps, quelque soit leur statut social. Comme toujours, quand on est riche, on a le droit de s’acheter du soin de qualité et de la respectabilité. Des femmes dénoncent ces discriminations qui mettent en peine toujours les plus pauvres. On a le droit à une partie de la plaidoirie de l’avocate Gisèle Halimi et par les voix des personnes célèbres (à l’instar du manifeste des 343) comme Delphine Seyrig, Simone de Beauvoir, professeur Monod, prix Nobel de la médecin… La méconnaissance du corps de la femme s’est fait bien comprendre à travers une question sur le spéculum pour savoir s’il se mettait dans la bouche. L’ouvrage se conclut sur Simone Veil portant la loi pour l’avortement devant une assemblée elle aussi majoritairement composée d’hommes, d’hypocrites et de maris volages engrossant leurs maîtresses. La finalité est une loi. Une lecture utile qui rappelle qu’avoir des droits pour les femmes sera toujours une question de lutte. Le dessin réaliste de Marie Bardiaux-Vaïente souligne la vraisemblance des faits. Elle nous immerge au plus proche des gens en variant aussi la mise en page. Enfin, on peut continuer avec les bd consacrés à Gisèle Halimi, Simone Veil et les 343.

Une bande dessinée d’une grande utilité qui montre qu’il faut se battre pour acquérir le droit de disposer de soi-même.

2 commentaires

  1. J’avais entendu parler de ce procès, de cette affaire et j’avais lu une partie dans la bédé consacrée à Gisèle Halimi. Honteux, le comportement des juges ! Merde, le droit de disposer de son corps doit être total, c’est le nôtre, bordel de merde !

    • Il a fallu beaucoup de femmes de courage pour défendre nos droits et il ne faut jamais baisser les bras. On peut donner un droit mais rendre difficile son accès comme les centres pour avorter par exemple.

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