Louise Michel, la vierge rouge – Mary M Talbot et Bryan Talbot

Louise Michel est une figure phare des images de désobéissance civile en France. L’égalité pour toutes est un défi de taille qui demande beaucoup d’investissement. Une femme de caractère qui a un parcours de vie des plus riches.

4e de couverture
Louise Michel (1830-1905) a eu un destin hors du commun : combattante politique, féministe avant l’heure, aventurière de la liberté…
Dans ce roman graphique, Mary et Bryan Talbot font revivre l’héroïne de la Commune de Paris et nous transportent à ses côtés, des rues de la capitale pendant le siège de 1870 aux plages de Nouvelle-Calédonie où elle fut exilée. De combats en arrestations, de victoires en défaites, de fusillades en moments de partage, nous sommes plongés avec elle au plus près du petit peuple de Paris qui lutte pour ses droits, puis des Kanaks se battant pour leur émancipation.
Sous la plume et le crayon des Talbot se révèle une époque tourmentée et violente, mais aussi porteuse d’espoir. Se dessine également l’émouvant portrait d’une femme forte, généreuse et habitée, qui a marqué l’histoire de France.

Mon avis
On commence la bande dessinée avec une définition de l’utopie ainsi qu’une citation d’Oscar Wilde et Samuel Beckett. Nous voilà dans l’ambiance pour prendre la température. Puis nous allons à la rencontre de Mme Charlotte Perkins Gilman arrive à la gare de Lyon à Paris le 22 janvier 1905. Dans les rues de tumulte règne, le cortège funèbre de la vierge rouge de Montmartre défile. Les deux femmes se sont déjà rencontrées. Elles partageaient la même obsession pour le roman utopique. « Des villes sous les eaux, contenues dans des navires sous-marins grands comme des contrées! Ou encore des villes dans les airs, voguant peut être de saison. Et tant d’autres! » (p. 11). Quelle belle opportunité pour partir dans le temps comme en 1870 où on retrouve Louise Michel. Paris est encerclé. Les Prussiens sont partout. La tension est palpable. Les gardes nationaux touchent un salaire mais cela ne les empêche de tout garder pour eux et surtout boire. « Les hommes sont comme les monarques dans leur foyer! Et les pauvres sont les pires! » (p. 18).

Albert Robido comme Jules Vernes aiment les sciences et technologies. Le premier est spécialisé sur la caricature. Son nom est souvent évoqué. On est surpris par l’approche dans le récit et des références anglaises ou américaines. « Cent an après ou l’An 2000 (Looking Backward: 2000 – 1887), le roman utopique d’Edward Bellamy a paru en 1888. Le protagoniste, Julian West, se réveille d’un coma artificiel et se retrouve dans une société utopique qui a abandonné le capitalisme pour la coopération et la mise en commun de la propriété. La parution du livre suscita une « Bellamy-mania » et des centaines de clubs nationalistes se créèrent à travers les Etats-Unis » (p. 127). Il y a d’autres visions utopiques cités dans la littérature. « – Voyons. J’imagine qu’il y a toujours le grand classique narratif de l’hibernation.
– Ah, pour se réveiller après un siècle, c’est cela?
– En l’occurrence, deux siècles dans cette histoire.
– Quel cliché de Rip Van Winkle! Ne peut-on pas utiliser une bonne vieille machine à remonter le temps?
– C’est un chapitre de Quand le dormeur s’éveillera , la dernière oeuvre de H. G. Wells! » (p. 89). Il est rare que tout cela soit évoqué. On constate que c’est une autre culture.

Il est intéressant aussi de voir comment les évènements se combinent. Il est intéressant de faire des parallèles entre les époques. Et cela est marqué physiquement sur les pages avec des fonds de page noir ou blanche. Ainsi on voit l’éloquence de Louise Michel dans des exclamations au public comme : « On débite aux filles un tas de niaiseries appuyées par une logique puérile tandis qu’on essaie de faire ingurgiter aux garçons des boulettes de science à leur crever le jabot. Pour les unes comme pour les autres, cette instruction est ridicule. S’instruire n’est pas seulement la voie royale vers l’indépendance économique, c’est aussi un moyen d’accélérer la reconnaissance des droits des femmes » (p. 45). L’angle féministe est partout. Elle a toujours l’égalité pour tous aussi bien pour les femmes que les pauvres, que les étrangers. Cette mentalité se retrouvait aussi dans des livres, encore un aspect intellectuel. « – Tout le monde effectue son service national dans l’armée industrielle. Et quand je dis tout le monde, les femmes aussi!
– Tiens, une vision positive des femmes?
– Tout à fait. » (p. 51).

Tout ce qui est écrit se base sur des sources qui sont données à la fin. En plus, il y a d’une part des explications assez longues par rapport à des pages en particuliers. Et d’autre part, à la toute fin, la bibliographie propose quelques livres et des sites web. Ce qui surprend est que se sont deux bédéastes anglais à l’origine de la production. Pourquoi s’intéresser à des icônes françaises? C’est leur première bande dessinée traduite en français. La lecture est très intéressante, dense, engagée.

Un portrait qui retranscrit les tensions d’une époque et des femmes courageuses.

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