Les seigneurs de la terre – Tome 3 – Graines d’espoir – Fabien Rodhain, Luca Malisan et Paolo Francescutto

L’agriculture est un sujet très sensible. Surtout quand il est question de protection des semences. Là des enjeux financiers colossaux sont en jeu.

4e de couverture
Changer de vie pour changer le monde
Dégoûté de son expérience agricole, Florian a tout quitté, femme, fille et ferme, pour partir en Inde sur les traces de sa mère. De leur côté, Anne et la petite Lou tentent de se reconstruire après cet abandon… Sur place, Florian découvre que, bien que la culture indienne prône l’harmonie avec la nature, le « sous-continent » n’est pas épargné par les méfaits de l’agriculture intensive, notamment les OGM. En enquêtant sur sa mère, il apprend surtout que, animée du même feu humaniste que lui, elle s’était impliquée dans la défense locale de l’environnement. « Les chiens ne font pas des chats », dit-on. Et c’est peut-être en partant de l’autre côté du monde que Florian retrouvera la vocation…
Découvrez le troisième tome de cette odyssée paysanne qui nous reconnecte à nos racines, avec une préface exceptionnelle « Nous sommes des Semences ! » de Vandana Shiva (Prix Nobel Alternatif 1993) !

Mon avis
Fabien Rodhain écrit un tome très investit autour de la valeur des semences en se focalisant ici sur l’Inde. Mais rassurez-vous, il garde en trame principale, Florian en quête de sa mère d’un côté, qui boit beaucoup trop. La patience ce n’est pas son truc. Son ex-femme en France, partagée entre la colère qu’il soit parti surtout en lui disant que sa fille n’était pas vraiment de lui et la joie de le revoir pour le conquérir à nouveau. Bien entendu, il souhaite divorcer et elle s’énerve. On est vraiment dans le cliché de la femme lunatique, égoïste, narcissique, possessive et hystérique. Heureusement qu’elle va régulièrement chez le psy pour soigner ces problèmes. Elle part en quête des origines de Florian car il y a un secret de famille là-dessous. Si elle le découvre, les problèmes, qu’elle a créé, disparaîtront.

Ce qui est intéressant, c’est l’angle écologique. Le ton de la bd commence avec une préface nommée « Nous sommes des semences! » écrite par Vandana Shiva, prix nobel Alternatif en 1993. Elle mène des combats principalement en Inde pour protéger les semences contre leur brevetage. On peut y lire cet extrait : « Mais la semence est plus qu’une métaphore. Elle émerge comme un enjeu éthique, écologique, ontologique, scientifique, légal, économique et politique entre deux visions du monde. L’une est basée sur des entreprises qui seraient des personnes avec des esprits « créant la vie », puisqu’elles pourraient la posséder, la modifier et la gagner, tout comme sa propriété intellectuelle, pour des profits privés. Une vision alternative s’appuie sur la reconnaissance de la nature des formes de vie s’auto-organisant et se développant, incluant les semences et les humains partageant la Terre ave la biodiversité et tous les êtres comme une Famille, un grand tout. » (p. 2).

Luca Malisan l’a représente plusieurs fois. Il souligne l’importance et l’influence qu’elle a. Il suffit qu’elle soit là pour changer la donne. Elle fait se déplacer des foules pacifiques qui tentent de se réapproprier leurs semences en passe d’être brevetées et de devenir payantes. Son implication à des impacts réels et mesurables. « L’incroyable n’est-il pas que 90 usines du même type se permettent d’extraire plus de 100 millions de litres d’eau chaque jour en Inde, un pays qui en manque tant, et de polluer le peu d’eau qu’il reste pour la population locale, quand il en reste? » (p.4) C’est véridique. Les 90 usines de Coca-Cola et de Pepsi-Cola en Inde extrayaient chacune entre 1 et 1,5 million de litre d’eau par jour. Il faut 3,26 litres d’eau pour produire un litre de soda sans oublier la pollution des eaux. Par conséquent, en face on trouve des lobbyistes et les stratèges des grands groupes qui pratiquent avec aisance la désinformation, l’intimidation et la violence. La mobilisation de la figure publique nuit gravement à leur commerce.

Le scénariste insiste sur la puissance de la semence libre. Car quand on brevète ce qui appartient à tous les résultats sont graves. « La biopiraterie : « appropriation illégitime des ressources en biodiversité », véritable pillage organisé par des compagnies de l’hémisphère nord et subi par des pays de l’hémisphère sud. Les cas sont innombrables : le margousier/huile de neeh (société W.R. Grace), le rooibos ou thé rouge (une filiale de Nestlé), un melon traditionnel, un brocoli, une aubergine (Monsanto)… Plus de mille demandes de tels brevets ont été déposées ces dernières années » (p. 30). Entre ça et les OGM, comment pouvoir vivre décemment de l’exploitation des champs? Le chiffre de 210 000 paysans indiens qui se sont suicidés en 13 ans ne surprend pas. Et l’augmentation a été flagrante avec l’introduction des OGM avec des semences qui ne se replantent pas et qui ont besoin de produits toxiques pour pousser. Un cercle vicieux couteux amenant toute une société à réfléchir.

N’oublions pas que nous sommes dans une bd française autour d’un personnage. Florian progressivement laisse tomber son aspect narcissique. Il met ses compétences d’avocat au service de la lutte. Heureusement qu’il y a une belle femme américaine et ce français pour apporter leur aide sur place. Surtout qu’il y une traitresse dans leur rang qui renseigne l’ennemi. On a l’impression parfois que des choses ne sont pas assez expliquées ou trop rapide. C’est le problème du 48CC. Il faut dire le maximum de chose dans un nombre certains de pages et une structure particulière pour les rebondissements. Forcément, ça bride un peu la créativité et cela finit toujours par ce ressentir. Néanmoins, cela ne nous empêchera pas de vouloir lire la suite et continuer à découvrir d’autres facettes de l’agriculture qui oppose intensive et bio.

Une lecture captivante et très enrichissante qui prouve que le combat peut se faire vraiment dans la vraie vie et avoir un impact. La bd est idéal comme relais d’informations et d’espoir.

2 commentaires

Laisser un commentaire