Quand certains entendent parler de féminismes, ils prennent peur. Pourtant, il n’y a rien d’inquiétant à cela. Lisa Frühbeis le prouve avec beaucoup d’humour.

4e de couverture
Egalité Hommes-Femmes : Y a encore du boulot !
Pourquoi sept des huit personnages de Super Mario Kart sont-ils des hommes ? Et pourquoi est-ce la fille, bien sûr, qui roule à deux à l’heure et ne fait que glousser ? Saviez-vous qu’à l’origine, les femmes se rasaient les jambes quand elles ne pouvaient pas se payer de bas nylon ? Et que certains fins gourmets raffolent de placenta ?
Dans ces petites chroniques féministes, Lisa Frühbeis nous parle de ses propres expériences et des leçons qu’elle en a tirées. Avec humour et sagacité, elle transforme ces « réalités vécues » en BD non seulement amusantes, mais aussi pertinentes. Elle ne recule devant aucun sujet : les menstruations, les poils ou encore la difficulté pour les femmes d’uriner en plein air, tout y passe !

Mon avis
Au moins au regard du titre, on sait à quoi on va avoir le droit. Ainsi certains à lire « Petites chroniques féministes » pourront aussitôt se détourner de cette lecture. Alors que d’autres pourront en profiter pour se préparer à un bon moment. Lisa Frühbeis est allemande et publie ses histoires « My 100 Days of Strangelife » dans le quotidien berlinois « Tagesspiegel ». Le malin mélange de pertinence et d’impertinence a plu au grand public puisque son travail a eu des récompense. Et aussi, une partie de ses publications arrive en France à « La Cité Graphique ». Comme quoi la question de la discrimination n’est pas uniquement un sujet allemand et qu’en plus les problématiques sont similaires. Cela signifie bien des choses qui ne sont pas hasardeuses. Le patriarcat fait du mal partout où l’on voue un culte à l’homme, sans h majuscule bien entendu.

Les récit en trois pages sont toujours d’une grande finesse et avec une touche d’humour très délicate. Elle commence en parlant des tétons des femmes qui indisposent tellement. C’est trop choquant alors que ceux des hommes ont passe partout. Les femmes n’ont pas envie ou besoin de porter des soutiens gorge et qui cache les tétons. « Les féministes des années 1960 brûlaient leurs soutifs pour affirmer leur liberté. Fini l’oppression! Fini aussi la peur des seins « qui tombent ». Après tout, personne ne personne de « soutien-couilles, que je sache! » (p. 5). Des mouvements autour du free boops et quels que soient son tour de poitrine. Elle aborde aussi de façon décontracté les poils aux pattes. Pourquoi juste les hommes auraient le droit de les avoir velu? Et en quoi est-ce que c’est viril? « Les jambes lissent sont devenues à la mode dans les années 1940, quand les jupes ont commencé à raccourcir… et que les bas en nylon était un luxe. Dès les années 1960, c’est devenu un idéal. » (p. 9). Et c’est aussi l’occasion de parler de la fameuse taxe rose. Les femmes gagnent moins que les hommes et pourtant les produits les concernant sont plus chers. Par exemple sur les rasoirs souvent roses pour les dames et bleu pour les messieurs. D’ailleurs pour la couleur marquée sur les genres, il faut savoir que cela n’a pas toujours été ainsi. « Incroyable mais vrai : historiquement, le rose était plutôt masculin, et le bleu féminin. Ce n’est qu’avec l’utilisation du bleu dans l’armée au XIXe siècle que la tendance est inversée. » (p. 25). Donc il n’y a pas de vérité absolue, c’est toujours lié à des construction sociale.

Même pour le confort des pieds, il y a bien souvent l’impératif de porter des talons. Bien souvent les chaussures sont inconfortables. Alors pourquoi ne pas tester le spray froid pour faire disparaître la douleur? Faut-il vraiment en arriver là? « Grâce à eux, nos fesses se retrouvent sous le nez de ces messieurs. Et il craquent pour cette démarche maladroite mais si érotique. » (p. 21). Moralité, mettez des chaussures si cela vous plaît, pas pour plaire aux regards pervers de ces messieurs. En effet, vous pouvez être influencé par différents médias comme le cinéma où le male gaze sévit sévèrement. Faut-il alors se réduire à prendre comme modèle Margaret Rutherfort dans « Miss Marple »?

Et la loi dans tout ça, elle dit quoi? « Le Code pénal est sexiste! » (p. 36). Les exemples ne manquent pas pour le prouver. « – La parité des salaires? Une blague! Les femmes gagnent moins que les hommes, mais perdent leur procès. – C’est leur faute, elles n’ont qu’à prouver la discrimination volontaire. C’est la loi! […] L’Etat a aussi des vues sur le ventre des femmes! Alors que c’est un droit en France, n’oublions pas que l’avortement n’est toujours pas toléré en Allemagne. Au secours! Mon corps, mon choix! » (p. 37). L’appropriation et le jugement du corps se fait également à travers des regards pleins de mépris et jugements quand ils dérogent à des règles de normalité. Attention les grosses restez chez vous. Est-ce que l’on dirait à un vieil homme qu’il a un gros cul? Non. Pourquoi cela serait plus opportun en vous adressant à une femme? Dans le même registre, on ne parle pas d’horloge biologique aux garçons. Alors que pour ces mesdames, on leur rappelle tout le temps que le temps passe et qu’il faut procréer. Faut-il se résoudre à espérer des évolutions scientifiques? « Tu voudrais pas porter l’enfant? comme les hippocampes? » (p. 58). On pourrait même rajouter que l’on n’est pas obligée de voir sa vie de femme comme une maman.

Dans l’Histoire, bien souvent les femmes sont exclues, refusées, mises de côtés, effacées… comme si elles n’avaient jamais été là. Un mouvement commence à se déployer dans le monde pour les réinsérer. Ce n’est pas qu’elle n’était pas là, c’est qu’on les a retiré volontairement pour appuyer le fait que se sont les hommes qui font le monde. Quand des ossements anciens sont découverts. Forcément, ils appartiennent à des braves guerriers avec des couilles. Quand des analyses tentent de dire qu’au final c’était des gonzesses. Ca jazz partout et ça remet tout en question. Et on tarde longtemps avant de changer les faits car cela pose question. Surtout des questions dont on ne veut pas entendre les réponses. L’épilogue de ne nous promet pas des prévisions plus réjouissantes. Va t’il falloir vraiment 217 ans? Au moins, quand les fachos passeront au pouvoir, on sait qu’il ne servira plus à rien d’espérer.

Une bande dessinée drôle, piquante et pétillante qui met en image les discriminations d’une société. Des mots sur des maux pour faire espérer des lendemains lointain plus heureux.

3 réponses à « Petites chroniques féministes – Lisa Frühbeis »

    1. Avatar de noctenbule

      à mettre dans la catégorie femme à la média 🙂

Répondre à Collectif Polar : chronique de nuit Annuler la réponse.

Bienvenue dans cette immersion dans le monde fabuleux du 9e art.