Hippolyte monte sur un bateau pour faire un reportage sur le sauvetage de migrants. Impossible de prendre de la distance face à la détresse humaine. Il interrogé le pourquoi la fuite de ces individus et surtout l’accueil exécrable qui leur est proposé.

4e de couverture
Une immersion aux côtés des bénévoles engagés auprès de l’organisation SOS Méditerranée. Après quelques mois à bord du navire ambulance Ocean Viking, l’auteur retranscrit les oppositions rencontrées par les acteurs engagés dans l’aide aux migrants face aux Etats indifférents et parfois réfractaires, qui vont parfois jusqu’à entraver un bateau de sauvetage à quai.

Mon avis
Hippolyte nous embarque à bord de l’Ocean Viking, le navire de l’ONG SOS Méditerranée, pour un reportage immersif d’un an. Il nous raconte son trajet à travers des aquarelles, des croquis, des photographies et des extraits de carnet. On est immédiatement immergé dans l’urgence, celle de sauver des vies en mer malgré les obstacles politiques et administratifs imposés par les États européens sans oublier le Covid. Le récit souligne le caractère kafkaïen des années d’attente avant l’embarquement et les lenteurs absurdes des autorités. Impossible de ne pas y voir une illustrant d’un cynisme glaçant. Il faut empêcher des opérations de sauvetage « parce qu’on sauve trop de vies ». Il serait plus acceptable que ces personnes meurent en mer et qu’ils ne puissent ni jamais être identifié ni jamais quantifié. Ce qui ne se trouve pas n’existe pas. L’ailleurs est loin et on ne le voit pas. Quand la misère frappe à nos portes la peur l’emporte et les discours d’extrême droite émergent avec leur lot de mensonges simplistes. Le bédéaste se concentre sur lui et l’équipe qui l’entoure. Eux, ils font quelque chose qui a du sens et se battent pour continuer face à la détresse humaine. C’est concret ce qu’ils font. La tranquillité n’est pas forcément de mise pour ceux qui sont dans l’association. Ils doivent faire face à ces extrémistes qui veulent les faire disparaître, les forçant à garder secret leur adresse. Les attaques ont déjà été trop nombreuses.

Graphiquement, Hippolyte déploie un langage visuel puissant avec aquarelles fluides et lumineuses se mêlent à des photographies insérées avec finesse. Le contraste entre beauté du geste humanitaire et la violence du contexte est saisissant. On admire ces cases et ces planches avec des jeux de bleu à l’image de la couverture qui intrigue. Elle montre aussi l’immensité de la mer face à l’homme si petit. Ces migrants ont des visages, des noms, des images… Bien souvent des masses d’inconnus avec des histoires, un héritage, une tragédie et surtout de l’espoir à revendre. Les scènes de sauvetage sont bouleversantes. Le dessinateur raconte l’instant où un bébé camerounais, calme malgré le chaos, devient un symbole de vie et éveille chez lui une émotion profonde en tant que père. Il a laissé son fils à la Réunion pour être là, sur ce bateau. Son investissement a un sens réel.

L’album documente également les chiffres glaçants : 24 000 € de frais journaliers pour l’ Ocean Viking, plus de 39 000 vies sauvées depuis 2016 et SOS Méditerranée financée à 91 % par des dons privés, ces données donnent du poids au récit tout en dénonçant les carences de l’Union européenne. Pourtant on sait qu’il y a de l’argent pour la gestion des migrants. On en sait plus grâce à la bd « A qui profite l’exil? » ce qui glace toujours le sang. Le style narratif est maîtrisé : fluide, didactique, poétique sans fioritures. Hippolyte réussit à éviter la froideur statistique en donnant des visages, des mots, des regards à ceux qu’il a côtoyés. On apprécie ces moments lyriques où il évoque ses peurs, ses doutes, sa capacité à faire face à tant de misère… L’émotion est palpable.

En conclusion, Le murmure de la mer est un reportage vibrant avec une mise en lumière pudique. Mais qui sait être percutante en lien avec le commerce humain des migrants et de la solidarité inlassable des sauveteurs. Une lecture qui sensibilise, émeut et invite à l’action.

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