Les luttes populaires ne souhaitent pas forcément remettre en cause le pouvoir. Ils incitent les citoyens à penser autrement et faire ensemble. Les zapatistes du Chiapas voyagent dans le monde pour partager leur vision du monde.

En octobre 2020, les zapatistes du Chiapas en ont surpris plus d’un en faisant une annonce retentissante. Ils vont aller à la rencontre des luttes populaires à travers cinq continents, en commençant par l’Europe. Ainsi, le 2 mai 2021, sept membres de l’ Escadron 421 , composé de quatre femmes, deux hommes et une personne transgenre, embarquent sur le bateau La Montagne pour un voyage symbolique. Lors de leur séjour, ils participent à de très nombreux événements, tels que des rassemblements à la ZAD Notre-Dame-des-Landes, une manifestation à Madrid pour commémorer la conquête du Mexique par Hernán Cortés, aux Tanneries, quartier libre des Lentillères à Dijon, à la coopérative Longo Maï, et dans d’autres lieux emblématiques de résistance. En septembre, une délégation plus large de 170 zapatistes prennent le relais pour continuer à sillonner l’Europe, rencontrant de nombreux collectifs et organisations dans plusieurs pays, dont la France, l’Italie, l’Allemagne et la Grèce. Ensemble ils se coordonnent et agissent pour une lutte, une cause et même des catastrophes. Ce voyage inédit marque la première fois que les zapatistes sortent de leur territoire pour aller à la rencontre des mouvements alternatifs et solidaires à travers le monde. À travers le récit de ce périple, enrichi par des textes zapatistes et des témoignages, les auteurs Lisa Lugrin, Métie Navajo et Jérôme Baschet revisitent l’histoire de cette lutte pour l’autonomie et un modèle politique alternatif, du faire sens ensemble, à l’occasion des 30 ans du mouvement zapatiste.

Les Zapatistes du Mexique débarquent en Europe pour une conquête inversée. Eux ne souhaitent pas s’approprier la terre des autres. Eux veulent répandre le virus de la résistance, du faire lien, du faire sens, du faire communauté et du faire ensemble. Surprise générale sur le vieux continent : ce mouvement, autrefois guérillero, s’est transformé en une initiative d’autogestion de communes indigènes. Pourquoi cela ne se ferait pas ailleurs? Partout où ils vont l’accueil est toujours chaleureux, festifs et engagés. « Nous pouvons nous faire le cadeau d’être ensemble. De prendre soin de nous pour transformer la douleur en joie de vivre, à travers ce que nous appelons jeux et que vous appelez danse, musique, théâtre, et toutes les formes d’interaction possibles. Cette rencontre a été organisée pour que l’on se parle, que l’on s’écoute, que l’on se regarde, que l’on se célèbre. » (p. 103).

Au fil de 28 épisodes, Lisa Lugrin raconte ce périple qu’elle a suivi et commenté en direct, le publiant semaine après semaine sur des médias indépendants. Elle remonte à la révolution mexicaine pour la terre et la liberté avec Emiliano Zapata et Pancho Villa, jusqu’à l’arrivée de militants dans la forêt Lacandone en novembre 1983, pour fonder l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN). Ces derniers apprennent au contact des communautés et, ensemble, décident, dix ans plus tard, de déclencher la guerre contre le gouvernement fédéral et de proclamer : ¡ Ya basta !. Pour être enfin vus, ils cachent leurs visages. La « loi révolutionnaire des femmes » est promulguée, affirmant que « les tremblements de terre qui secouent l’histoire de l’humanité commencent par un “ça suffit“ isolé, presque imperceptible ».

Il y a un angle féministe aussi très engagés. On y voit souvent l’image d’hommes qui luttent pour leur liberté. Mais les femmes sont omniprésentes, loin de l’image d’Epinal. Leurs messages sont très complets et investis. « Nous existons encore après 5 siècle d’extermination, de violence, de domination. Le capitalisme est né du sang de nos peuples et il continue de s’en alimenter. Nous suivons les 7 principes du « Gouverner en obéissant » : Servir et non se servir, Représenter et non supplanter, Construire et non détruire, Obéir et non commander, Proposer et non imposer, Convaincre et non vaincre, Descendre et non monter. Quand nous sommes ensemble, nous sommes une assemblée. Quand nous sommes séparés, nous sommes un réseau. « (pp. 128 – 129).

Ces informations sont intelligemment mises en page grâce à des dispositifs inventifs colorés, dynamiques, garantissant clarté et confort de lecture. On sourit avec le criquet comme forme métaphorique de narration tout comme la mère montagne. La quadrichromie donne du peps et insuffle de l’espoir face à la détermination de ces individus pas si ordinaires. Les imaginaires entre mythologie, traditions et inventions se mélangent avec une harmonie touchante et une énergie très communicative. Toutes ces actions sont réels et concrètes. Faire autrement n’est pas utopique.

Une bande dessinée forte engagée et assez motivante. Il est rare d’entendre un message qu’il nous est possible de faire lien pour résister ensemble.

Laisser un commentaire

Bienvenue dans cette immersion dans le monde fabuleux du 9e art.