
Il fut un moment où l’Etat ne parlait que de l’industrialisation du territoire. Depuis un moment le discours a changé et la colère des salariés se fait entendre. Allons à la rencontre de ceux qui lutte pour garder leur emploi, leur fierté et le respect.
4e de couverture
Comme beaucoup de français, Benjamin Carle entend parler de GM&S pour la première fois en 2017, alors que les salariés menacent de faire sauter leur usine de sous-traitance automobile pour lutter contre sa fermeture.
Journaliste et documentariste, il décide de retracer l’histoire et le destin de la plus grande entreprise de la Creuse, installée à La Souterraine depuis 1963.
Cette enquête raconte le combat d’ouvriers, dessine le portrait d’une ville, replonge dans les archives et les données économiques pour comprendre comment nous en sommes arrivés là. Elle fait aussi, en creux, les comptes de la désindustrialisation dont les conséquences continuent de se dévoiler. Même dans le « monde d’après ».

Mon avis
Le thème des fermetures d’usines en France et des luttes sociales commence à se faire sa place dans le 9e art. Les grands noms ne manquent pas des Lips, aux sardinières, la force du collectif prend sens. On se souvient des grands discours à une époque de l’industrialisation de la France et de donner aussi des emplois à des zones désertiques. Toutefois, un changement de choix économique avec du capitalisme ultralibéral et tout change pour des citoyens du monde. Les entreprises internationales investissent dans plusieurs zones du monde en sous-traitance et retire ces billes quand elle veut pour des motifs économiques. Certains veulent toujours plus d’argent en dépit de ceux qui font réellement le travail productif. Les ouvriers deviennent juste des lignes comptables que l’on efface comme bon leur veulent. L’Etat souvent complice du système laisse faire. Donne des subventions sans contrepartie car soit disant les organisations ne s’engageraient pas. L’hypocrisie fleurte dangereux avec la collusion et pot de vin. Pour défendre leur emploi, leur honneur et leur fierté les salariés se syndiquent et luttent. Car sans combat, on ne peut rien gagner. Le gouvernement réprouve les actions sociales car cela nuit à l’image de l’entreprise. Les gros vilains, ils veulent continuer à vivre correctement dans des zones sans emploi. Alors que pourtant, il faudrait les féliciter d’avoir une vraie culture d’entreprise, d’aimer son travail, ses collègues. Tout n’est pas parfait, mais cela a du sens d’être là. Dans les entreprises en bureau, on invente des gens pour créer cette culture corporate alors que dans l’usine, elle se fait plus automatiquement et elle est dénoncé. Cela en dit long aussi sur l’image et la valeur que l’on donne aux ouvriers. Pourquoi est-ce si mal perçu de défendre des droits face à des gens financiers qui n’en ont rien à faire? La vision du monde du travail change et les outils de langage sont des indicateurs assez effrayants. Surtout de la part de politique et grands patrons qui ne sont pas arrivés là où ils sont sans profiter du système et d’avoir des comptes bien protégés pour ne pas payer d’impôts.
Benjamin Carle est journaliste et s’intéresse à cette question de la fabrication et du travail en France. En 2013, il tente une expérience en ne consommant que des produits fabriqué en France qui a donné naissance à un documentaire « Made in France ». En 2018, il tente de réaliser un sandwich qu’à partir de produits français et là aussi, c’est un défi de taille. Il poursuit sa quête d’aller à la rencontre des français à travers une lutte et sur du long terme. Il découvre les dessous de l’usine qui s’implante à La Souterraine dans la Creuse en 1963. Face à la crise, la structure n’a pas eu le choix de diversifier sa production avec des pièces de véhicules ou une trottinette. La sous-traitance serait l’avenir. Au final, se sont les pays où le coût de la main d’oeuvre est la moins cher qui sont privilégiés et aucunement le reste. Impossible de concurrencer. Les bénéfices valent plus que les vies. Cette trame est omniprésente. Comment l’occulter? Les travailleurs s’impliquent et font tout leur possible. On est admiratif de ces derniers passagers courageux, braves et téméraires. D’autant plus que l’avenir dans le territoire est restreint et sombre. N’oublions pas la fameuse phrase du président Macron alors en visite sur les lieux : « Je ne suis pas le Père Noël ! ». le vieux bonhomme ne passe pas déposer de l’argent partout et tout le monde. Il faut savoir cultiver son bon réseau.
Le journaliste tente de rencontrer l’ensemble des parties prenantes pour comprendre et connaître les tenants et des aboutissants. C’est surtout la voix des anciens et toujours salariés, des représentants syndicaux, un avocat, un ancien patron, les structures dont découlent les emplois secondaires comme les commerçants locaux.. On se rend compte de la complexité du sujet et que les raisons restent toujours les mêmes. Dans un monde où tout est en concurrence et est totalement déshumanisé. Le scénariste résume très bien les grandes lignes. « Si je fais le point, j’arrive à isoler sept explications concrètes pour comprendre ce qui est arrivé à ce site industriel. » (p. 86). Ils sont les suivants. « 1. La fin des investissements. Tous les ouvriers me disent qu’à partir du début des années 2000 les affaires étaient encore bonnes, mais que les repreneurs successifs ne mettaient plus d’argent pour acheter de nouvelles machines ou aménager l’usine. 2. Manque de diversification. En regardant les archives, je me suis rendu compte qu’à chaque fois, les repreneurs arrivaient avec la même promesse : diversifier le chiffre d’affaires, trouver des clients en dehors du secteur automobile. Aucun n’y est arrivé. 3. Manque de fonds des repreneurs. Après les plans sociaux, le site n’a beau coûter que 3 euros à la barre du tribunal de commerce, la plupart des repreneurs n’avaient pas la trésorerie et le fonds de roulement nécessaire pour soutenir une activité très capitalistique. Les tribunaux de commerce et les responsables politiques les ont pourtant laissés racheter le site, bien contents de trouver une « solution ». 4. Asséchage de la trésorerie. En 2009, avec le rachat de l’entreprise, les dirigeants d’Altia placent les actifs du site et notamment les murs, dans une SCI (Société Civile Immobilière). L’entreprise doit donc verser un loyer de près de 20 000 euros par mois à cette entité… Une somme énorme pour une entreprise fragile, et un boulet attaché aux pieds des travailleurs. Pendant ce temps, au lien d’investir, ces mêmes repreneurs accélèrent les remontées d’argent en dividende ou frais de management. Les employés du site, habitués à la 4L de Devienne, sont choqués de voir les mêmes repreneurs arriver en voiture de luxe, des véhicules loués par l’entreprise. 5. Argent public gaspillé. A chaque reprise, les nouveaux dirigeants ont reçu de l’argent public. Au total, plus de 20 millions d’euros distribués sous la forme d’aide au financement, d’aide à l’investissement, ou de crédits d’impôts en tous genres, sans contrepartie. 6. Désengagement des constructeurs. Mal géré pendant 25 ans, le site reçoit aussi de moins en moins de commandes de PSA et Renault. Les deux mastodontes français ont concentré leurs commandes vers de gros sous-traitants en mesure de localiser la production à proximité des lieux de fabrication des Peugeot, Citroën ou Renault. Et donc, de plus en plus souvent, hors de France. Dans cette logique, la site de la souterraine est considéré comme trop petite, trop éloigné des centres de fabrication. Quand bien même ces constructeurs n’hésitent pas, eux, à trimballer moules, pièces et marchandises à travers l’Europe, lorsque c’est comptablement rentable. 7. Une mauvais image. La dernière explication est sans doute la plus cynique. C’est la mauvaise image de l’entreprise. Parce que les employés se sont organisés et ont résisté, le site de la souterraine ferait peur aux repreneurs. Et des employés qui aiment leur travail, sont fiers de leur production et sont prêts à tous les sacrifices en échanges d’investissements et des commandes stables, sont devenus une bande d’emmerdeurs » qui vont se mettre en grève tous les trois jours sans raison. Ce qui, après tout ce que j’ai appris sur le fonctionnement de ce site et de ses syndicats, me semble complètement faux. Mais toutes ces raisons font qu’aujourd’hui l’avenir de l’industrie à la souterraine est compromis. » (pp. 86 -89). On pourrait reprocher le manque d’explication sur l’économie mondiale pour mieux comprendre le système. Toutefois, c’est un système assez complexe qu’il faut prendre en compte. Par chance, il y a d’autres bd sur le sujet.
David Lopez propose un dessin net, précis, fidèle sans jamais tomber sans la caricature ou la moquerie. On est dans le reportage avec une représentation assez fidèle des salariés. Les couleurs restent très chaudes sans être dans un monde idéal et joyeux. Il trouve le juste milieu pour retracer l’enquête du scénariste. C’est lui le personnage centrale que l’on suit partout dans ses recherches et dans ses interrogations mentales. On partage une intimité et une connivence avec le lecteur. Le dessinateur propose une mise en page très dynamique avec une grande variation dans la taille de cases et sans pourtour noir.
Une lecture très interessante qui prouve qu’il y a bien un système pour désinstrualiser la France.
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