
L’image de la police n’est pas si jolie. Pour savoir si c’est une fausse idée, le journaliste Valentin Gendrot s’infiltre dans un commissariat pendant 2 ans. Le constat est sans appel et ça fait froid dans le dos.
4e de couverture
La bande-dessinée Flic raconte l’histoire vraie du premier journaliste à avoir infiltré la police française.
Une arme à la ceinture, Valentin Gendrot a rejoint une brigade parisienne dont certains membres tutoyaient, insultaient et distribuaient des coups à des jeunes hommes noirs et d’origine arabe qu’ils surnommaient « les bâtards ». Ses révélations publiées aux éditions Goutte d’Or en septembre 2020 ont fait la Une de journaux internationaux. Le ministre de l’intérieur avait alors réagi à la parution du livre et déclenché une vaste enquête de l’IGPN.
Pour la première fois, cette BD dévoile la suite de l’infiltration : l’interrogatoire de Valentin Gendrot par l’IGPN. Une œuvre qui rend accessible au plus grand nombre un récit urgent.

Mon avis
La police est accusée de bien des méfaits depuis des années. Les statistiques en augmentation qui montrent que ces derniers sont en accord avec les idées du front national. La confiance dans les représentants de l’ordre est en berne pour une partie de la société. Valentin Gendrot décide de s’infiltrer dans la police pour savoir ce qu’il en est vraiment sur le terrain. Une fois qu’il arrive à quitter la surveillance des personnes à des troubles psychologiques pour le commissariat du 19e arrondissements de Paris. L’ambiance est tout autre et cela se perçoit aussitôt arrivé. Sa formation ne l’avait pas préparé à ça. « Trois mois seulement pour être habilité à porter une arme sur la voie publique… L’un de nos formateurs n’a pas mâché ses mots. « Trois mois, c’est court, cette formation express prépare à terme une « police low cost ». » (p. 10).
Trois mois cela semble très court pour être mis sur le terrain. Mais on leur apprend les choses importantes. « Nos obligations à l’égard du mublic sont « Dignité, Intégrité, Impartialité, Loyauté, Exemplarité et Respect absolu des personnes ». Tout cela est réuni sous l’acronyme DIILER. C’est ce qu’on appelle un gentil coup de pouce mnémotechnique : quand on prononce l’acronyme à haute voix, ça fait « dealer »! Je retiendrai. » (p. 14). On ne pourra pas dire que l’organisation ne manque pas d’humour. Donner des grands concepts pour faire croire à la grandeur d’un poste, une formation courte et aucun suivi sur la santé mentale sur place. Comme il manque de personnes plus expérimentés, ils sont envoyés directement sur le terrain. Par contre, ils doivent gérer les servitudes comme s’occuper de l’accueil extérieure devant les barrières en métal. Un premier filtre pour les personnes qui veulent porter plainte. Avant même d’entée dans un commissariat, on dissuade. Déjà, parler d’un problème comme une agression dans la rue avec des gars qui font de la sécurité, ça interroge beaucoup. Cela n’installe pas un cadre de confiance, bien au contraire.
Donc on ne s’étonne pas du tout des dénonciations des associations féministes lorsqu’une femme vient porter plainte pour agressions sexuels ou viol au commissariat. Les manquements ne manquent pas avec dénonciation de mysoginie par exemple. Des questions comme qu’est-ce que vous portiez? ou qu’est-ce que vous avez fait pour que l’on vous frappe? sont d’une grande violence. Faut-il s’en étonner de la part de personne masculiniste et sans empathie? Et la formation là-dedans? « Autre talon d’Achille de la formation : les violences conjugales. Le cours sur ce thème dure seulement 3 heures dont 2 heures sont consacrées au visionnage du film « Mon roi » de la réalisatrice Maïwenn. En 2018, 121 femmes ont été tuées par leur conjoint, soit un féminicide tous les trois jours. Vous en aurez beaucoup, des connards qui tapent leur femme! Trois heures, et c’est tout. Nous avons le temps pour découvrir comment menotter et tirer, pas pour apprendre à accueillir et accompagner une femme victime de violences conjugales. » (p. 15). On comprend que la police s’autocongratule quand elle créé une formation en 2024 pour son personnel quand il prend des plaintes. A croire que c’est récent les plaintes. Malheureusement, cela pourrit les statistiques derrière car on voit l’inaction de la police et l’absence de prévention des risques.
L’autre focus, repose sur l’objectif de chiffre pour des arrestations. « Mais du coup, y a quand même une concurrence avec les autres brigades. » (p. 51). Toujours cette image avec des indicateurs de performance. Au lieu d’orienter des politiques sur la prévention, agir concrètement sur ce qui génère la pauvreté, le traffic, la misère, la prostitution… on préfère gérer facilement les conséquences. Ce qui amène aussi à des frustrations de la police qui est confrontée à ces problèmes en direct avec un champ d’action très restreint. Il constate une forme d’injustice que produit le système. Alors derrière, on voit de la violence policière avec les affaires dont on connaît les retentissements. En interne, les actes violents sont couverts. Des médecins peuvent venir dans les cellules et dire qu’il n’y a rien. Ils deviennent aussi des acteurs complices. »Par la suite, j’apprendrai que le médecin qui avait examiné konaté lui avait simplement dit : « Ce ne sont pas des coups qui vous ont fait ça ». (p. 76)
Donc on constate un macérât avec du racisme, de l’homophobie, de la misogynie et d’autres choses négatives. On ne doute pas que ces critères étiques séduisent un grand nombres de personnes dont on connaît l’obédience politique. Plusieurs structures associatives dénoncent les contrôles au faciès : « Les sociologues ont donc classé les personnes selon leur couleur de peau : « blancs – noirs – maghrébiens – indo-pakistanais – autres asiatiques », intégré d’autres critères comme le fait de porter un sac ou l’apparence vestimentaire. Ils ont par exemple distingué les personnes habillées en costume-cravate, celles habillées « normal, décontracté » et celles habillées « jeune (c’est-à-dire ici hip-hop, reggae, tecktonik, etc.) ». Ils ont ainsi « classé » 38 000 personnes qui sont passées devant leurs yeux. Résultat : les hommes sont contrôlés entre 3,5 et 10 fois plus que les femmes. Les jeunes constituent 50% de la population sur place, mais représentent 99% des personnes contrôlées. » (p. 83). Les études prouvent les discriminations : « La tenue jeune « crève littéralement le plafond » avec 5,7 à 16,1 fois plus de risques d’être contrôlée. Les noirs ont entre 3,3 et 11,5 fois plus de risques d’être contrôlés que les blancs au regard de leur part dans la population disponible. Les maghrébiens entre 1,8 et 14,8 fois. Des ratios, précisent les chercheurs, qui surpassent ceux habituellement observés dans des études comparables en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. » (p. 83). Cela amène à des actes mortels. « Sur le site internet Bastamag, qualifié de « base la plus complète » sur le sujet, fait état de vingt à trente personnes tuées chaque année par les forces de l’ordre. Ivan du Roy, cofondateur du site : « Si on regarde les noms et les prénoms, on voit effectivement que les personnes issues de l’immigration ou immigrées sont très surreprésentées, cela ne fait aucun doute. Conclusion, la démarche la plus prudente aboutit à cette constatation : 85% des morts suite à une situation impliquant des gendarmes et/ou des policiers (sans que l’on puisse dire s’il s’agit de bavures ou non) sont des personnes issues des minorités visibles. Que faire face à des comportements racistes répétés émanant de représentants de la loi? Confrontée à cette problématique, la Norvège, par exemple, a effectué une refonte de la formation de ses policiers. Les policiers norvégiens reçoivent trois ans de formation (contre douze mois pour les gardiens de la paix en France et trois mois pour les ADS comme moi) dont deux semaines complètent sont réservées aux thématiques ethno-raciales. Mais en France, avant de rechercher des solutions, encore faudrait-il reconnaître l’existence du problème. »
Les conditions de travail rendent les professionnels de terrains des personnes sans empathie et le besoin de conformisme pour être accepté dans un groupe, incite à une uniformisation. La souffrance au travail est donc réelle et s’explique avec du sur-suicide. « Si l’arme n’est pas la cause du « sur-suicide » policier, il en est assurément le moyen. Nicolas Bourgoin, sociologue, liste les facteurs dominants pour expliquer le « sur-suicide » des policiers. « L’accès aux armes à feu ». « L’abus d’alcool ». « Les horaires qui nuisent à la vie de famille » (davantage de divorces). « L’indifférence voire l’antipathie du public ». « Le système judiciaire peut être une source de frustration et de confusion » (les policiers vivent nombre de décisions rendues par les tribunaux injustes). « Les troubles de stress post-traumatique, qui naissent de l’exposition répétée des scènes de violences » et « de la confrontation à la mort ». »
Le livre n’est pas là pour taper sur la police. Et nous prouve aussi que la question n’est pas le manque de policier pour faire régner une forme de loi. Le système est pourri dès la base et il ne semble pas que l’Etat souhaite le changer. En terme de communication, il est plus facilement valorisable de sembler agir dans l’urgence des problèmes que d’éviter que les problèmes émergent. La prévention ce n’est pas sexy ni très évaluable. A cela se rajoute des politiques publiques plus inclusives et plus équitables. Des enjeux très importants qui risquent de mettre à dos des lobbys influents. On donne à des hommes de faire régler la loi sans leur permettre de bien le faire pour les citoyens et pour eux, leur éthique et leur santé mentale. Ca fait froid dans le dos et fait perdre confiance dans les politiques. Heureusement que le bédéaste a choisi une représentation anthropomorphique. Les policiers sont des chats favorisant la distanciation. On admire le courage du journaliste qui a du subir les affres de policiers et politiques pour avoir dénoncer. Toutefois, on aurait aimé savoir ce qui s’était passé pour les personnes incriminées. Sont-elles libres comme d’habitude?
Une lecture intéressante et glaçante qui rappelle que les soucis sont systémiques. Les conséquences sont grâces surtout quand cela concernent les représentants de justice.
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