
Tout le monde a déjà entendu le terme de vierge. Selon les âges, les sociétés, les pratiques religieuses, il ne représente pas la même chose. « La folle histoire de la virginité » va donner à voir autrement cet état.
4e de couverture
En partant de sa propre expérience, Elise Thiébaut explore avec Elléa Bird le tabou de la virginité. Pourquoi est-il si important dans l’Histoire et dans la plupart des cultures ? Que nous dit-il de la condition des femmes, de la sexualité, des religions et de la science ? Une épopée passionnante et drôle, où se croisent les vestales romaines, la Vierge Marie, la grande Artémis mais aussi Jeanne d’Arc et Britney Spears ! Et qui dévoile les dessous d’un mythe toujours puissant, plus riche de sens qu’on l’imagine.

Mon avis
La bande dessinée débute avec le témoigne de la scénariste, Elise Thiébaut, sur son imaginaire autour de la virginité. Depuis qu’elle est enfant, ce mot faisait partie de son monde sans pour autant comprendre ce que cela signifiait vraiment. « Jusqu’à un âge avancé, j’ai cru que les vierges étaient des personnages qui n’avaient jamais eu de relations sexuelles, ou des terres sur lesquelles la main de l’homme n’avait jamais mis le pied. Que la Vierge, elle, ne l’avait probablement pas été avant de donner naissance au fils de Dieu. Et que l’huile d’olive première pression à froid qualifiée de « vierge » était bonne pour la santé » (p. 6). En menant l’enquête, elle découvre que les choses ne sont pas aussi simples. « J’ai appris que les déesses vierges n’étaient pas forcément chastes, et que ce mot désignait plutôt des femmes célibataires ou sans enfant, parfois même veuves ou ménopausées » (p. 7). Donc on pourrait simplement résumer qu’une vierge est une femme sans homme à ces côtés. C’était mal vu de ne pas être marié. Dans les années 70, le féminisme émerge pour changer la donne. « (…) comme le disait un slogan des débuts du MLF : Une femme sans homme, c’est comme un poisson sans bicyclette » (p. 9). Cette expression peut étonner. Irina Dunn, activiste et écrivaine, en est la créatrice et veut dire que pour être une femme, il n’est pas plus nécessaire d’avoir un homme que Dieu dans sa vie.
Après cette introduction, la scénariste décide de proposer de faire un récit historique et chronologique de la virginité. On voit que très tôt l’imaginaire des enfants est biaisé et non corrigé par les adultes. En effet, quand Elise, 11 ans dit à sa mère que sa meilleure amie a fait l’amour, la panique arrive. Elles croyaient naïvement qu’embrasser avec la langue était faire l’amour. Au collège, la change donne. Certaines l’ont faites. On fait quoi? Comment? Différents récits se font entendre. La pression débute pour perdre cette virginité qui met la limite entre l’enfant et la femme. « Perdre sa virginité, c’est bien joli, mais ce n’est pas quelque chose d’aussi passif que perdre ses clefs ou l’odorat. On a entendu plein d’histoires sur l’hymen, cette membrane à l’orée du vagin qui est supposée se rompre la première fois, entraînant un saignement et bien sûr la douleur d’une blessure nouvelle » (p. 24). La peur est inhérente à ce passage. C’est important mais cela va être douloureux et avec une perte de sang. Aucune notion de plaisir n’est présente. Et aussi vient ce que va penser le mec car lui ne doit pas savoir. Il y a une forme de non-dit car les parents n’abordent pas ce sujet car tabou et ne fait partie des enseignements scolaires. Alors cela permet de faire circuler des clichés rétrogrades et faux. On ne sait pas à quoi sert l’hymen comme l’appendicite. Deux scientifiques l’ont découvert et ont fait des théories. Le savant arabe Ibn Sina connu en France sous le nom d’Avicienne, serait le premier à le décrire. Puis à la Renaissance, Andreas Vesalius, évoque de nouveau l’hymen en évoquant l’anatomie.
On apprend que l’hymen est lié au prénom d’une divinité antique. « Hymen (ou Hyménée). Fils de Bacchus (Dionysos chez les Grecs) et Vénus (Aphrodite), c’était un magnifique jeune homme qui n’aimait rien tant que se balader avec un flambeau dans la main droite et un voile jaune dans la main gauche. En dépit du fait qu’il avait donc en permanence les deux mains prises, c’était un héros connu pour avoir délivré des jeunes filles enlevées par des pirates. (…) Très populaire, Hymen était invoqué pour les noces, et son flambeau servait à éclairer l’amour. Suivant les traditions, un flambeau était aussi employé pour éclairer la couche des jeunes mariés, ou observer les recoins obscurs de la jeune épousée, afin de vérifier la réalité de sa virginité » (p. 31). Cela confirme que la femme est un produit de transaction. Elle change de nom car elle change de propriétaire. Après elle doit prouver sa virginité pour prouver la fraîcheur du produit. On va jusqu’à exposer les draps avec des traces de sang sur la fenêtre de la chambre des mariés. Le pire, c’est que cette pratique existe encore de nos jours.
Bien entendu, pour certains ce n’était pas suffisant cette trace de rouge. On pouvait mettre de côté une fiole de sang et la verser pour donner l’illusion. Donc les hommes inventent des méthodes de vérification. « L’historien Clovis Maillet explique qu’au Moyen Age, pour vérifier la virginité, on se contentait pas d’observer la présence (aléatoire, comme on l’a vu) de la membrane veineuse figurant l’hymen ou l’étroitesse du vagin » (p. 43). On prenait en compte des éléments comme la fermeté des seins, la brillance des poils pubiens ou la clarté de l’urine. Le médecin royal, Séverin Pineau en 1598 avait trouvé un truc. « Il suffit que son cou puisse être entouré par un fil qui s’étend de la pointe du nez à l’arrière du crâne. Si ce n’est pas le cas, c’est que le cou a rétréci suite à des relations sexuelles » (p. 43). On peut se demander comment il est arrivé à établir cette régle. Qu’elles pouvaient être ces indicateurs?
Il y a des termes aussi peu flatteurs. « Même le mot « défloration » me déprimait. Vous la voyez d’ici, la belle arnaque : je suis une fleur qui se prend, se fane, pour pouvoir ensuite, comme dans la nature, se transforme en fruit de la vie. Ou pas. La fleur fanée devient alors flétrissure, honte, blessure : c’est d’une fleur de lys qu’on marquait au fer rouge les prostituées, pour signifier leur état de femme déchue, vouée au stupre et à la luxure. Le mot « stupre » lui-même vient de « stuprum » qui, en latin, désigne l’acte de déshonorer une vierge en la violant. Bienvenue dans le monde radieux du dépucelage » (p. 39). C’est très choquant et dégoutant. Les mots sont lourds de sens. Ce n’est pas Alain Rey qui me dirait le contraire.
Il ne faut pas omettre la pression sociale autour de la virginité. La famille, les que dira t’on, les mesquineries, les jalousies… On sait que tout le monde n’a pas forcément d’hymen, qu’il peut ne pas se rompre pendant un rapport sexuel. Pour être sur que le soir du mariage, on va faire en sorte de saigner. « Mais ce qui existe aussi dans de nombreux pays, c’est une opération chirurgicale qui s’appelle l’hymnénoplastie. Elle consiste à fabriquer un hymen ouvert à partir des contours ou de la muqueuse, afin d’offrir une apparence de fermeture. Souvent coûteux, cet acte est aussi potentiellement dangereux comme toute intervention chirurgicale. » (p. 44). L’impact culturel qui revêt un aspect traditionnel qui repose rarement sur des bases saines et souvent sur des contraintes aux femmes contribuent à des actes douloureux et humiliant. « Dans plusieurs cultures, en effet, la virginité est considérée comme un trésor, et une femme qui l’a perdue en dehors du mariage est déconsidérée. Elle risque même d’être tuée – on appelle ça le crime d’honneur. Parce qu’elle blesse, stigmatise, traumatise de nombreuses personnes, on peut se demander pourquoi la virginité est un tel enjeu culturel et social » (p. 44).
Pour bien maîtriser les femmes, on développe des violences gynécologiques. « Pour s’assurer la soumission et de la fidélité des femmes, des pratiques extrêmement violentes ont existé et existent parfois encore. Le trauma causé par ces souffrances intimes et répétées empêche la victime de se révolter ou de revendiquer son autonomie. C’est le cas par exemple des mutilations sexuelles : l’excision et l’infibulation pratiquées sur des bébés ou de très jeunes filles sont associées à l’usage du couteau pour ouvrir le passage lors de la nuit de noces, puis l’accouchement, avant de refermer le sexe après la naissance. 200 000 millions de femmes ont subi cette mutilation au monde, et 4 millions de fillettes sont excisées chaque année » (p. 45) Comment ne pas être révolté par de telles actes de barbaries? Comment espérer un monde meilleur si on le laisse aux mains des hommes pour leur égo et aux femmes qui vénèrent ce système et qui ne souhaitent pas que d’autres passent à la trappe car elles, elles n’ont pas eu le choix.
Dans un autre domaine, le fantasme de coucher/violer des vierges perdurent encore et risque de durer encore. Les jeunes filles savent que le niveau de pervers est très élevé dans les sociétés. Pour s’en sortir, elles sont prêtes à la vendre au plus offrant. Cela devient une transaction financière sans forcément passer par un mac. « En 2017, une jeune Roumaine dénomée Alexandra aurait obtenu 2,6 millions d’euros pour céder sa virginité sur le site Cinderella Escorts. C’est un homme d’affaires basé à Hong Kong qui a remporté le gros lot. Deux ans après lui, un homme politique britannique a payé 1,6 million à une certaine Lia avoir le privilège de la dépuceler » (p. 51). L’offre et la demande deviennent « acceptable » car ils ont une base de consensus. Par chance, ce n’est pas partout dans le monde. Il y a quelques exceptions dans des toutes petites communautés. « Et chez les Mosos, en Chine, aussi appelés par les anthropologues « la société sans père ni mari », la violence et le viol sont proscrits, et la jalousie est le plus grand péché » (p. 54). Le ravissement est quand assez éphémère car ce n’est pas du tout représentatif et à tendance à disparaître. Il aurait été bien de savoir combien il en existe de nos jours et combien de personnes cela concerne dans le monde. Cela aurait donner une image plus représentative. Cette réflexion accompagne le reste où l’on reste sur sa faim. On reste plus dans le domaine de l’anecdote alors que la scénariste a déjà produit des ouvrages plus poussés et plus précis. Elléa Bird propose un dessin joyeux, festif dans la lignée des bd féministes.
On doit à Elise Thiébaut plusieurs ouvrages autour des règles. Elle aborde le côté physiologique, psychologique ainsi que les mythes et légendes autour. On se rend compte qu’il ne manque pas d’histoire avec des idées vertes pas mures. Son franc parlé donne envie de suivre ses productions. Le fait de choisir un angle personnel pour raconter les pratiques et les idées de la virginité est original. Plus d’une lectrice pourra se reconnaître. Mais pourtant, elle ne semble pas aller assez loin dans les références et aussi les critiques. L’importance de la virginité des femmes pour le mariage souligne le patriarcat et l’égocentrisme des femmes. Cette idée d’être le premier va jusqu’à aller violer des mineurs, voir même des bébés. Valoriser même encore de nos jours la virginité pour valoriser les masculinistes doit être souligner et expliquer. On vient aussi à se demander s’il y a des mythes sur la virginité masculine. Pour les mâles, seules tremper son biscuit partout compte? tout comme diffuser les MST? On devrait faire un livre sur les hommes et la diffusion des maladies. Les références ne manquent pas entre François 1er jusqu’à Gauguin. Un dossier pédagogique de fin aurait permis de donner des numéros par rapport à de nombreux sujets vite fait abordés ou éludés. Par exemple, le danger de la surconsommation de porno gratuit et dégueulasse surtout pour les hommes, qu’importe leur âge. Le mythe du viol, de la vierge et d’autres choses immondes sont valorisées. Il serait bien d’expliquer pourquoi ce mythe du macho. Il existe des associations, des numéros verts, des livres pour réduire son addiction et apprendre à se respecter ainsi que sa.son partenaire. Le vaginisme est abordé sans être vraiment expliquer de façon compréhensible ni les autres choses qui empêchent la pénétration ou qu’elle fait qu’elle est très douloureuse. Et enfin, il aurait été bien d’avoir des sources si on veut aller plus loin.
Une lecture mitigé car le potentiel était grand avec ce sujet tabou et avec une scénariste très rigoureuse.


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