Défends-toi toi-même – Kei Lam et Anna van Hyfte

Il n’est pas facile de se protéger des attaques psychologiques extérieures. On n’est pas obligé de subir, il est possible d’agir concrètement. Une petite séance de self défense s’impose.

4e de couverture
L’autodéfense émotionnelle en BD.
Comment survivre dans un monde stressant et anxiogène ? Comment être soi-même – ni victime ni agressive – face aux autres ? Poser ses limites, savoir dire non, ne plus avoir peur des conflits, cesser de vouloir plaire à tout prix… autant d’outils d’autodéfense émotionnelle que tout le monde devrait apprendre !
Cette BD nous entraîne dans un atelier d’autodéfense émotionnelle, avec Kei Lam, une jeune illustratrice. Pour apprendre à se protéger mentalement.
Pour faire face aux critiques, au regard des autres. Pour retrouver tout son potentiel. Découvrez une méthode d’autodéfense incroyable, où les émotions sont nos alliées. Faites vôtres des techniques simples :
– les trois questions,
– l’intervention paradoxale,
– la désescalade,
– l’écoute active,
– le disque rayé,
– le langage non verbal, etc.
Et autorisez-vous à vous défendre sans culpabiliser.

Mon avis
Depuis peu, l’éditeur « L’Iconoclaste » s’est lancé dans la bande dessinée. Et comme à son habitude, il publie des ouvrages singuliers et intéressants. Le titre ainsi que la couverture prouvent tout de suite cet engagement est bien réel. « Défends-toi toi-même » et pas physiquement veut on dire. D’où les précisions : stress, sexisme, anxiété, racisme et traumatisme. Les attaques et les remarques désobligeantes ne manquent pas dans la vie courante. Se préparer à les affronter en toute sérénité demande un savoir faire.

Kei Lam se met en situation avec d’autres femmes qui vont consulter une coach en autodéfense. Depuis le covid et les agressions à cause de son origine asiatique, elle est en panne de créativité. Elle tente une nouvelle expérience. Dans tous les portraits, tout à chacune peut se retrouver. Qui n’a jamais subi de jugement de valeur à cause de sa couleur de peau, de son physique, de sa façon de parler, de son mode de vie… Les violences sont bien là. Le récit débute avec une annonce passant dans un centre commercial : « Violences sur les femmes et enfants, appelez le 3919 ». Il y a une précision « Depuis la crise Covid en 2020, le nombre d’actes de violences intrafamiliales a augmenté de 42% » selon la source du service statistique ministériel de la sécurité intérieure. « Y a même un code d’alerte « Masque 19″ dans les pharmacies! Ca permet aux femmes de demander de l’aide discrètement » Puis dans l’image suivante on voit un collage du collectif Collage féminicide avec cette phrase « On ne tue jamais par amour ». Tout cela signale bien un gros problème de société. Il faut que les femmes apprennent à se protéger puisque l’on ne veut pas mieux éduquer les hommes et que l’on voue un culte aux masculinistes.

Quand on rentre dans les échanges entre femme, on débute avec un exercice qui s’avère assez brillant. « On va commencer par un tour de table, vous allez vous présenter comme vous avez l’habitude de le faire mais sans le verbe être… En indiquant votre humour du jour vos attentes… Et avec ce sablier. Comme ça, on a toutes le même temps de parole. Trois minutes par personne et on passe à la voisine » (p. 26). L’exercice se montre très complexe. « Je ne suis pas un mon/j’ai un corps, je ne suis pas mon/j’ai un travail, je ne suis pas mère/j’élève des enfants, je ne suis pas mes/j’ai des émotions » (p. 31). On n’est pas une fonction.

Se définir est important car quand une femme prend la parole, on a tendance à la couper. « En 2015, le mot « manterrupting » est apparu dans le New York Times (article « Comment ne pas être interrompu par un homme en réunion » de Jessica Bennett). Notre temps de parole est une arme politique » (p. 30). Et les discriminations ne s’arrêtent pas au sexe. « En 1999, José Esteban Munoz, historien de l’art, cubain émigré aux Etats-Unis, développe un concept psycho-sociologique dans son livre : « Désidentification ». Si la culture dominante est hétérosexuelle, cisgenre, masculine, blanche… des stratégies doivent être développées pour lutter contre ces codes. La désidentification devient une stratégie de survie. On peut rejeter l’assignation à un genre, à un rôle. Nous avons la liberté de nous identifier ou non à n’importe quel aspect de notre personnalité selon ce qui nous semble le plus approprié, dans chaque situation. Autrement dit, on n’est pas obligé de jouer le rôle que nous dicte la société. Notre identité est hybride mouvante multiple. » (p. 32). Pour dénoncer une discrimination, il est nécessaire qu’elle puisse avoir un nom avec une définition. Ainsi cela prouve que ce n’est pas juste un truc anodin mais une attitude spécifique face à un public particulier.

Il n’est pas toujours facile de savoir comment se comporter face à des remarques de racisme systémique, par exemple. La bédéaste évoque son cas particulier avec des phrases en lien avec le covid, les restaurants asiatiques ou des clichés. D’autres personnes vont entendre des choses liés aussi avec un imaginaire discriminant. Faut-il réagir pareil? « Plus précisément du « racial color blindess » (invisibilisation des différences raciales). En niant nos différences, on ne peut pas combattre le racisme. Et si on dénonce pas ça, on perpétue ces stéréotypes et ces préjugés. C’est insidieux, on finit par oublier par intégrer et intérioriser ces comportements. » (p. 37). Se sont des micro-agressions qui ne laissent personne indemne. Il faut prendre conscience pour imaginer comment se protéger.

On a appris à ne pas répondre, à ne pas agir face à des agressions. « En autodéfense, la question n’est pas pourquoi. Pourquoi ça nous arrive. Pourquoi il ou elle a fait ci ou ça. Le pourquoi nous fait perdre un temps précieux lors d’une agression. Le pourquoi peut venir après, on s’organise, on se réunit, on débat, on manifeste… Mais pendant une agression, la seule question que je dois me poser c’est COMMENT. Comment augmenter nos chances de survie. Cette posture mentale est très importante!!! On doit s’autoriser à se protéger pour s’extirper le plus rapidement possible d’une agression! On ne se débat plus. On se défend! » (pp. 48-49). Un paradigme très différent de ce que l’on peut entendre habituellement. Pour l’intégrer, il faut se le répéter et s’en convaincre. Pour aider dans cette démarche, il faut écouter son corps et ses émotions. « Notre corps et nos émotions sont nos alliés. Les progrès en imagerie cérébrales ont permis de développer les neurosciences. D’établir des liens entre le cognitif et l’émotionnel et de montrer l’importance de nos émotions. Les émotions existent pour une raison, elles sont là pour nous protéger et nous mettre en mouvement. Derrière chaque émotion se cache un besoin. La surprise pour être en alerte et se mettre en sécurité. La tristesse pour attirer l’empathie et être réconforté. La colère pour se défendre et demander le respect. La peur pour fuit le danger et se protéger. Le dégoût pour s’éloigner et se mettre en sécurité. La joie pour célébrer et partager. » (p. 50). En effet, dans l’éducation des petites filles, on leur fait intégrer de devoir rester discrète, dans leur coin et laisser la place à ceux qui ouvrent un peu trop leur bouche. Il faut aussi déconstruire des bases trop longtemps intégrée.

Dans la continuité, on continue avec cette idée que les femmes possèdent un don naturel pour materner les autres. « Certaines femmes ont tendance à prendre soin des autres et à s’oublier. Aux Etats-Unis, Carol Gilligan développe un concept philosophique en 1982 appelé « l’éthique du Care ». D’après les enquêtes psychologiques, les femmes et les hommes ne se fondent pas sur les mêmes critères pour prendre une décision. Care, sensibilité envers les besoins des autres et action de prendre en charge ces besoins. Culturellement, depuis l’enfance, on ne valorise pas les mêmes qualités chez les deux sexes. Et notamment la colère est socialement permise chez les hommes alors qu’il est demandé aux femmes de rester calmes et de penser aux autres. Par ailleurs, les métiers qui consistent à satisfaire les besoins d’autrui sont principalement occupés par des femmes. 88% des infirmières. 96% des assistantes sociales. 97% secrétaires ou assistantes maternelles. Le travail social est très féminisé avec 9 femmes sur 10 professionnels. Par contre, dans d’autres secteurs : 20% maires, 24% ingénieures, 27% réalisatrices. » (p. 52). C’est aussi pour ça que la charge mentale est assez élevée pour les femmes qui doivent gérer le boulot, la maison, la famille et les activités à côtés.

Pour arriver à mieux répartir sur de bonnes bases, il faut prendre compte aussi d’éléments comme l’assertivité. « Quand on a un conflit, la question n’est pas d’avoir de la répartie! Mais d’arriver à exprimer ses besoin avec assertivité! Assertivité : affirmation de soi dans le respect d’autrui. On a des outils comme la CNV, communication non-violente. Développée dans les année dans les années 1960 par un psychologue américain Marshall B. Rosenberg. La communication non-violente se fonde sur : observation : observer les faits sans jugements, ni interprétation. Emotions : exprimer nos émotions de manière authentique et sincère. Besoin : identifier les besoins cachés derrière nos émotions. Demande : formuler une demande claire et concrète. Ou sinon, la technique des trois questions, dérivées de la CNV, quand on se sent agressé on se demande : 1. Qu’est-ce qui me dérange? (observation), 2. Qu’est-ce que cela me fait? (émotion), 3. Qu’est-ce que je veux? (demande). » (p. 60). Pour bien comprendre la démarche, on trouve deux exemples un positif et un négatif. « Tu me dis « tu es bonne à rien » et que « c’est une blague »… (observation). Ca m’attriste (émotion). Je veux tu arrêtes tes blagues dénigrantes! (demande). » (p. 61). Cela permet de mieux comprendre les étapes pour mieux se les approprier.

Détruire ces pensées limitantes demande du temps et il est nécessaire de le prendre. Grâce à ça, on développe les hormones du bonheur. « Dopamine ou hormone de la motivation, déclenchée par la fête, les succès, le sport… Sérotonine ou hormone de la confiance en soi, déclenchée par le contact avec la nature, le soleil, la nourriture saine… Endorphine ou hormone de la relaxation : déclenchée par le rire, la danse, le chant, des étirements… Ocytocine ou hormone de l’attachement : déclenchée par la méditation, les câlins, les bonnes actions… » (p. 85). Les lectrices se retrouvent avec un capital d’informations pour changer la donne, pour prendre confiance, pour changer sa vision des choses, pour s’affirmer, pour poser de nouvelles bases de relationnel.

Une bande dessinée qui met en avant la communication non violente et son changement de mindset.

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