Jeannette Pointu voyage dans le monde à la rencontre de femmes exceptionnelles. Les aventures ne se passent jamais comme prévu. Heureusement qu’il y a toujours quelqu’un pour sauver la reporter.

4e de couverture
Jeannette Pointu, intrépide rouquine reporter, parcourt le monde sans relâche à la rencontre des femmes. Un album sur et pour la condition féminine, donc, qui nous entraîne au Panshir, en plein régime taliban, en Inde, dans la caste des intouchables, dans le bush australien sur les traces d’une camionneuse intrépide, au pays des Masaïs, dans l’Himalaya à la rencontre d’une chef de famille polyandre et à la suite d’une « self-made-woman », « pédégère » dans la jungle des villes… 6 femmes bien différentes, 6 histoires courtes qui montrent comment ces femmes sont en lutte incessante dans un monde organisé par et pour les hommes. Bon, au delà, de l’idée, louable, on regrettera un peu que Wasterlain ait un peu « forcé le trait » sur le caractère de ses héroïnes qui apparaissent de ce fait un peu caricaturales. Mais pour planter une histoire, une intrigue, un univers en 6 à 8 pages, il était un peu obligé d’aller à l’essentiel… Il y aurait peut-être eu de quoi faire 6 albums au lieu d’un seul !

Mon avis
Marc Wasterlain a répondu à une demande de Thierry Tinlot, alors rédacteur en chef de « Spirou ». Il lui a proposé d’aborder le thème des « femmes dans le monde » à travers des histoires courtes. Le bédéaste s’applique à cela grâce à son héroïne reporter et ce dans deux tomes. Bien que l’on soit ravi de voir une héroïne en tête d’une série, on est toujours navrée de sa représentation. Toujours hypersexualisée où elle porte un short très court, des hauts sans manche et qui souligne sa poitrine. Alors que les hommes sont en pantalon, manches longues et vestes. Rassurons-nous quand il fait très froid, elle se couvre quand même. Elle n’est pas très maligne et se met toujours dans des situations complexes dont un tiers, majoritairement un homme, est obligé de l’aider. Nous restons dans des clichés assez misogynes. Les clichés vont bon train sur l’ensemble des communautés du monde. Cela se combine à merveille avec des raccourcis anthropologiques et sociologiques. C’est assez lassant. Mais en 8 pages, c’est difficile de faire quelque chose de cohérent et fine. On applaudit l’effort malgré la contrainte.

La bd date de 2003 donc certaines choses dérangent. Par exemple, l’angle spécisme est très marquée. Jeannette est en Australie et évoque les convoies géants de camion. « Trois ou quatre remorques, quatre-vingt-huit roues, un tracteur de 600 c.v., moteur diesel V-8 qui consomme un litre au kilomètre : ce sont les « road trains », les camions du désert qui traversent l’Australie du Nord au Sud, effectuant 3 000 km en 48 heures et retour. » (p. 28). Rien d’étonnant à ça. Ce qui choque la reporter c’est que la conductrice ne peut pas s’arrêter rapidement s’il y a un passage de kangourous sur la route. Surtout que ces derniers passent car un homme les chasses dans un hélicoptère. « Ce n’est pas pour les éviter que j’ai stoppé… Mais si on passe dessus, ça fait de la charpie et ça pue pendant des jours! » (p. 28). Donc il faut mettre les cadavres sur le cotés de la route. Jeannette décide de sauver un bébé kangourou et le prend avec elle. Elle ne se pose pas la question si ce qu’elle faisait était en adéquation avec l’animal, son milieu, son mode de vie, sa vie en communauté… Elle le trouve jolie et le garde. Quand un gamin veut le tuer pour le manger. Elle s’offusque par contre c’est totalement normal que l’on tue des vaches en masse pour se nourrir. Il y a des critères sur qui peut manger quoi. De même pour le chameau qui appartient à des hommes des émirats arabes. Puisqu’il vaut 9 000 dollars, alors il doit être rendu à ces propriétaires. Sans valeur, c’est normal de voler le bien d’un autre.

D’autres choses nous interroge. On rencontre une pédégère, une femme PDG, qui bien entendu est une mégère, colérique, insensible et obnubilé par les chaussures. Un homme veut racheter son entreprise à moindre prix. Trouve facilement la faille et fait couler son entreprise. Par conséquent, vexer, elle démissionne et redevient serveuse. Grâce à son père caché très riche, elle reprend du pouvoir et un nouveau statut social. On ne sait que dire sur ce qui est le plus exaspérant. Montrer une femme qui réussit pour souligner son échec évident et son manque de professionnalisme. Un PDG violent, agressif et impoli semble une image plus proche de la réussite. La femme sort de son cadre d’être gentille, soumise et maternelle. Le patriarcat n’est pas loin. Elle peut s’en sortir grâce à un homme, encore, et lancer des affaires en n’en faisant qu’à sa tête. Et puis après être patronne d’une multinationale la logique est d’être serveuse, pas d’autres choix possible. Dire que ce genre de récit est fait pour faire rêver les petites filles, c’est décevant. Car des éléments comme ceux cités précédemment, on en a dans toutes les histoires.

Une bande dessinée avec une héroïne curieuse et de l’audace qui ne pourrait pas s’en sortir sans les hommes. Donc fillette continue à rêver mais limite toi à tes compétences, car seul le mâle peut tout faire.

6 réponses à « Jeannette Pointu – Tome 18 – Femmes massaïs et 5 autres vies de femmes à travers le monde – Marc Wasterlain »

  1. Avatar de belette2911

    C’était une héroïne de nos hebdo de jeunes élèves, publié dans nos « tremplin » (un truc que pour les écoles belges, auquel on s’abonnait).

    1. Avatar de noctenbule

      Tu l’as lu dans Spirou quand tu étais petite? TU l’as relu grande?

      1. Avatar de belette2911

        Non, uniquement dans l’hebdo « tremplin » que l’on recevait par la biais de l’école. Il me semble que je l’ai déjà lue dans spirou aussi, mais trou de mémoire. En tout cas, pas ma tasse de thé.

      2. Avatar de noctenbule

        Jeannette n’a peut être pas marqué beaucoup de lecteurs. Espérons le car franchement c’est très misogyne et rempli de clichés.

      3. Avatar de belette2911

        L’époque était ainsi, j’avais quoi, 14 ans et ça ne nous choquait même pas, un tel comportement. Maintenant, oui, mais pas dans les années 90. Ma tante rentrait du boulot et elle avait une seconde journée de travail avec les enfants, tandis que mon oncle, lui, en rentrant du boulot, il allait dans son bureau et cool raoul ! :/ Et c’était partout ainsi. On a regardé mon oncle de travers lorsqu’il a appris à son épouse à conduire et les gens ont dit « tu vas lui donner une indépendance » et ils étaient choqués ! T’imagine ??? J’en suis encore sur le cul.

      4. Avatar de noctenbule

        C’est comme ça à quel point on avait intégré les codes discriminants. Les épouses trouvaient cela normal puisque c’était ainsi partout. Et si elle a pu conduire c’est que cela avait un côté pratique. Ce n’était pas forcément un signe d’indépendance.
        Et avec la montée des conservateurs et populistes c’est vers ça que l’on risque de retourner. C’est tellement triste et navrant.
        Au moins des bd comme Jeannette permettent de voir aussi comment on construit l’imaginaire des petites filles pour qu’elle puisse bien se comporter.
        Il faut que je lise Rubine, pour voir comment si on retrouve cette esprit. Tu t’en souviens de cette héroïne?

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Bienvenue dans cette immersion dans le monde fabuleux du 9e art.