Cursus fin du monde – Robin Cousin

A l’université, on rencontre pleins de gens différents. Lors des soirées, les élèves des sciences dures échangent avec les sciences moles. Les débats sont toujours riches de conflit.

4e de couverture
– Toutes les espèces finissent par dispa­raître mais soit elles évoluent, soit elles sont déci­mées. Donc Ludo est déguisé en humain du futur, adapté au dérè­gle­ment clima­tique et à la pollu­tion. Et Mimi en cafard, une des rares espèces qui survi­vront au prochain cata­clysme.
– T’as vrai­ment décidé de péter l’am­biance ?!
– T’avais qu’à choi­sir un autre thème de soirée.
– Le thème, c’est Apoca­lypse, pas Dépres­sion !
« Les sciences peuvent-elles encore sauver le monde ? » Robin Cousin a posé cette ques­tion à des cher­cheuses et des cher­cheurs, lors d’une rési­dence à l’Uni­ver­sité de Poitiers, en 2019. Leurs réponses lui ont révélé l’ap­port des sciences humaines dans la recherche scien­ti­fique, ainsi que l’im­por­tance du finan­ce­ment. Un plai­doyer en faveur d’une recherche libre.

Mon avis
La fin de l’année est toujours l’occasion de faire la fête. Surtout quand l’enseignante vous dit : « avec la crise écologique en cours, vous êtes obligés d’interroger votre rôle dans la société. La communauté scientifique sortira grandie de cette épreuve. Profitez de vos vacances pour méditer là-dessus. » (p. 5). Dans cette première bulle tout est dit. Robin Cousin pose le cadre en abordant la question de la fête et d’écologie pour engendrer de la controverse. Cécilia et Lou organisent une fiesta pour clôturer l’année scolaire. Le thème est originale puisque c’est l’apocalypse et déguisement obligatoire. La préparation n’est pas de tout repos. A nouveau, l’écologie s’impose avec l’évocation du moteur à hydrogène, l’effondrement et même un costume des plus atypique.

Cécilia porte un tee-shirt « avec le graphique du « rapport Meadows ». Y a le déclin de la population, des ressources, de l’espérance de vie, même du pic de pollution! Si c’est pas l’apocalypse ça?! » (p. 12). Et cela mérite même une précision « T’imagines que dans les années 70 ils ont réussi à prédire notre époque avec juste quelques équations?! » (p. 12). Un peu de maquillage et hop, c’est bon pour la soirée. Les invités rivalisent d’imagination. On voit un champignon atomique « car l’apocalypse sera nucléaire ou pas! On veut toujours plus d’énergie et moins de CO2. On va finir par passer au tout nucléaire. Et un jour, sa finira par péter. Question de probabilité » (p. 16). Forcément, une telle position n’est pas de l’avis de tous. Tout à chacun a eu une discussion de cet acabit. La réponse ne se fait pas attendre. « Les nouvelles sources d’énergie ne remplacement pas les anciennes. Elles s’ajoutent. On construit toujours plus de centrales à charbon que de nucléaire… On étouffera avant d’être irradiés. Moi je te le dis! » (pp. 16-17).

Ceux déguisés en zombie, en peste bubonique, homme-machine ou cellule extraterrestre ne sont pas en reste. Tout cela amène de vives discussions entre sciences dures et sciences molles. Chacun tente de défendre son pré carré. Et parfois, il y en a un qui tente le charme pour l’échange. « Tout le monde est hyper préoccupé par la catastrophe écologique. Il faut qu’on arrive à discuter légèrement. D’où l’idée de cette soirée déguisée. Finalement, chacun est venu avec sa vision du problème. C’est ça qui est chouette. » (p. 22). Bien que cela ne mène pas à de la profondeur, on découvre un concept d’une grande originalité. Deux mecs arrivent toujours habillés en costume à toutes les soirées. « C’est le test de Rorschach des déguisements. Les gens trouvent toujours un lien avec le thème. (p. 22). Les projections permettent de faire bien des choses.

Mais revenons aux choses sérieuses. Qui de l’humain du futur, adapté au dérèglement ou à la pollution ou du cafard survivront au prochain cataclysme. Un gros dilemme de paléoantropologues qui a son importance. Une question qui mérite de la réflexion. A moins que certains choisissent la danse et boire des margaritas. Qu’importe à un moment ou à un autre voilà que l’on évoque le postmodernisme, Bruno Latour, de méthode scientifique…

Une pause s’impose pour les colocs. Il n’y a plus d’alcool, heureusement que le foodtrucks de Benjamin est là. Un échange intellectuel s’impose aussi. « – Qui a inventé la bombe atomique, les pesticides et le moteur à essence? – Tu confonds science et technologie! » (p. 32). Les histoires doivent bien commencer quelque part.

Puis, un évènement vient tout bouleverser. Lou lit les mots de l’apocalypse devant tout le monde. « Je partage l’idée des collapsologues qui président l’effondrement de notre civilisation vers 2030 car comme tout le système dynamique, elle a atteint un stade critique qui la rend très instable. […] Nous devons donc faire le deuil de notre civilisation. Le monde à venir sera difficile à vivre mais aussi plein d’espoir. » (p. 37). Cécilia blessé part et d’autres individus la suivent. L’alcool n’aide pas à réfléchir posément. Donc elle s’oriente vers des conneries mettant en danger sa vie et le projet d’une amie. Face à la catastrophe, les vraies amis débarquent à l’université. Ensemble, ils poursuivent leur discussion sur la fin du monde. La monde va t’il disparaître à cause d’un paléovirus? Donc il faut changer. Mais quoi? Comment? Tout se dresse sur papier avec des données sur le capitalisme, le rapport à la nature, le contrat social/société…

Une fois à l’université, l’idée doit se concrétiser. « On doit juste créer la possibilité d’une réflexion et d’une expérience radicale. » (p. 56). La maison des étudiants est le bon espace. Ainsi elle devient le bon espace. Ainsi elle devient la maison de tout de l’université parasite.

Comment ne pas se sentir inspiré par ces dissensus inspirés et sourcés? Cela change de bien des programmes creux et hypocrites de nombreux médias. La fin du monde est un sujet auquel tout à chacun peut discuter. Comment gérer l’incertitude de l’avenir? Pourquoi cela ne serait-ce pas au citoyen de l’imaginer? Pourquoi n’auraient-ils pas leur mot à dire? En plus, le terrain est propice avec des étudiants, des chercheur-enseignants et des entrepreneurs. Les idées sont plus réalistes quand elle émerge de conflits. Pas besoin de jeux de pouvoir juste des jeux d’idées pour convaincre. On est pris dans ces turpitudes brillantes. Tout semble réaliste avec ce panel de personnages plus attachants les uns des autres. Les teintes vives et chaleureuses contribuent au dynamisme. Le spectateur assiste à l’émergence d’un quelque chose surement pas pérenne. Ce n’est pas le plus important. Cela a le mérite d’exister. On apprécie l’efficacité, la concision et la culture exposée. On croise l’humour, l’amour et l’aventure.

Une lecture plaisante, drôle et décalé en rapport à l’écologie comme il est rare d’en lire.

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