
Que faut-il voir dans les images de Frederik Peeters? Chaque lecteur pourra s’approprier chaque page et s’inventer son récit. Il n’y a pas de début et pas de fin.
4e de couverture
Frederik Peeters est un animal insaisissable, et comme le prouve son parcours, jamais où on pourrait l’attendre; Saccage, son nouveau livre, le démontre une fois encore. Saccage, voilà bien un ouvrage qui défie toute forme de définition, de classification: entre livre d’images et bande dessinée, Saccage dépeint une épopée pleine de tourments, celle d’un homme (prophète? héraut de l’apocalypse?) qui traverse un monde dément, chaotique, baroque, où toute la folie – et l’histoire – de l’homme semble se télescoper, se mélanger, pour former un magma empli de visions fantasmagoriques, juxtaposant alors écho d’un enfer bien trop terrestre, jeu de références, et fresque prémonitoire.
Fable d’anticipation, allégorie hallucinée, Saccage se lit comme un poème graphique en forme de constat pour le moins amer, et présente un monde en pleine déliquescence, sidérant comme un massacre, effrayant comme un cauchemar – mais Saccage est bien plus qu’un délire visuel, c’est une véritable œuvre coup-de-poing, incroyablement habitée par un artiste au sommet de son art, et les dessins sans texte (mais pas «muets»!) de Frederik Peeters donnent alors bien plus à lire que nombre de romans ou d’essais.
Dans une bibliographie où le changement et le renouvellement font quasiment office de règle, Saccage pousse le bouchon encore un peu plus loin, et ce livre unique (carrément !), joyau torturé et incandescent, marquera, à coup sûr, les esprits de tous les lecteurs qui oseront s’y aventurer.

Mon avis
Heureusement que l’ouvrage commence avec une préface du bédéaste. Heureusement qu’il donne quelques éléments de compréhension, comme une petite grille de lecture. « Parallèlement, il y a l’envie confuse de dessiner ou raconter ce qui m’apparaît (ainsi qu’à tout le monde je présume…) de plus en plus nettement comme la grande destruction du monde, le grouillement frénétique des humains, l’effondrement du rêve sauvage, la grande mélancolie occidentale, et la tendance que j’ai depuis des années de tourner autour du roman Stalker des frères Stougatski, sentant qu’il y a là une porte d’entrée pour créer des parallèles et mettre en forme ces sensations. » Ce choix n’est certainement pas innocent. Il se doute bien que le lecteur lambda risque d’être pris au dépourvu.

Frederik Peeters propose un dessin mystérieux et mystique par page sans texte avec des monstres, des extraterrestres dans un ailleurs étrange et improbable. Il nous emmène dans une déambulation dans un monde dévasté, avec une suite de tableaux autant hypnotiques qu’angoissants. On trouve une récurrence avec le même personnage jaune habillé de bandelettes, un enfant fantomatique et un extraterrestre. Il est difficile de raccrocher tous les wagons pour voir la destruction d’un monde. Le comment? On l’ignore. Faut-il des réponses à toutes nos interrogations? Ici, il faut prendre le parti que non. On se raccroche au titre « Saccage » pour mieux comprendre le défilé des choses ou pas trop. Qu’importe si l’on ne comprend rien c’est une expérience de lecture. Etes-vous prêt à tenter? Par contre, ce n’est pas tout public. On passe facilement à côté et être totalement dépité.
Une lecture étrange qui nous interroge sur la richesse du 9e art.

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