
Lapinot voudrait pouvoir trouver une situation stable pour se rapprocher de Nadia. Malgré qu’on lui offre un poste de directeur d’une entreprise prometteuse, son éthique le pousse à refuser. Que va t’il lui rester?
4e de couverture
Après les Formidables Aventures sans Lapinot, revoilà les aventures non moins formidables, avec Lapinot et ses copains. L’affaire commence à la piscine, où Richard refuse de mariner dans un truc qu’il suppose très chargé en morve et en glaires. Amis de la poésie, bonjour. Après s’être fait virer pour conduite infantile, ils vont manger – sept secondes de piscine, ça creuse – et retournent vaquer à leurs occupations en attendant la soirée chez Nadia. Lapinot voudrait bien « amorcer quelque chose » avec Nadia, et aussi, trouver du travail pour s’installer en ville.
En se baladant, il tombe sur une sacoche oubliée sur le trottoir, avec quelques broutilles dedans : deux chewing-gum, des clés et un million en liquide. Farci de scrupules et d’honnêté, il crapahute partout pour restituer la sacoche à son propriétaire. Ce qui va lui rapporter un boulot et un appartement de luxe, puis une foule d’ennuis graves. Et avec tout ça, il n’amorce toujours rien avec Nadia, qui lui tend des perches longues comme le bras…
Entre deux épopées grandioses, revoilà Lapinot aux prises avec les petites choses de la vie et ses dérapages : entre autres, un type qui châtie les méchants pour compenser le laxisme d’un Dieu qu’il juge inefficace, voire inexistant. Cet album est donc destiné aux amateurs d’eau chlorée, de chips, de petits boulots sympas et de théologie intérimaire. Avec, toujours, le réjouissant dessin de Trondheim et la bouille inénarrable de Lapinot dans tous ses états : amoureux, consterné, en colère, etc.

Mon avis
C’est toujours une aventure de lire une bd de Lewis Trondheim. Ses personnages possèdent une grande singularité. Ce n’est nullement en lien qu’il utilise l’anthropomorphisme. On retrouve Lapinot, un lagomorphe simple, ordinaire et gentil. Il rêve de sortir avec Nadia, mais il n’ose jamais lui demander. Dans cet album, il tente encore très maladroitement sans oser dire les choses clairement. Cela amuse beaucoup son entourage. Surtout son insupportable ami, Richard, opportuniste, profiteur, pique assiette, voleur et malhonnête. Ce genre de personne que l’on déteste avoir comme pote. Son rôle est indispensable pour le récit pour permettre le contraste. Un fait un choix selon son éthique et l’autre fait toujours un choix par rapport à ce qu’il peut gagner.
Le bédéaste propose une histoire des plus loufoques. Un gars oublie une valise pleine d’argent au pied de Lapinot. Ce dernier fait le nécessaire pour retrouver son propriétaire. Son action lui permet de gagner le poste de directeur d’une entreprise. Elle fournit des services particuliers comme aller un rendez-vous à la place de quelqu’un, engueuler un beau-père, inciter un gars à changer d’avis, pousser une personne à ne plus revenir dans un endroit… On délègue les tâches ingrates et cela évite tout conflit direct. Malgré un salaire très conséquent, le héros, apprend qu’il y a des trucs louches tels le meurtre ou les agressions physiques. Alors il décide de mettre fin à cette organisation. Par chance, le vrai boss décède et le voilà calife à la place du calife. Une façon élégante et farfelue de faire une critique de la société qui met en exergue ceux qui veulent réussir à tout prix pour flatter leur égo et avoir du fric. Les bien-pensants agissent pour les manants incultes et manipulables. Grâce à ça en plus, tu peux te permettre d’avoir des millions en espèce à domicile. Que ne serions-nous pas prêt à faire pour de l’argent? et pour un statut social? Chacun y fera son choix. Etes-vous plus Lapinot ou Richard?
Cela amène également à d’autres interrogations comme la valeur de la justice dans la société. Est-elle si laxiste qu’il vaut mieux la faire soi-même en ne se faisant pas prendre? Est également évoqué la protection de la vie privée d’une part et celle du stockage des données collectées. La bande dessinée date de 1998, ces thèmes n’étaient encore qu’à leur balbutiement à cette époque. Même si elles ne sont pas revendues, qui a accès, pourquoi, quand et pour quoi faire? Et la petite pépite avec le sexisme ordinaire de nombreux messieurs : « – Ca c’est bien une attitude typique de macho… Une femme ne peut pas être aimable avec un homme sans que tu crois qu’elle te drague ouvertement. Dans ce cas-là, toutes les caissières te draguent. – Ah ca, oui! J’avais remarqué. Elles me draguent toutes effrontément, les caissières, les vendeuses, les hôtesses, les infirmières, les serveuses. Je suis obligé de passer mes vacances dans des clubs pour pervenches et inspectrices des impôts pour être tranquille. – Ce qui serait cool, c’est que tu te mettes à fumer, et peut-être que d’ici 30 ans tu auras un cancer du larynx, et je ne t’entendrai plus. » (p. 30). La phrase de conclusion de Lapinot résume parfaitement ce que l’on voudrait bien souvent dire.
Un bon moment de lecture qui donne envie de lire toute la série et de détester encore Richard.

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