Climax – Tome 4 – Gakona, Alaska – Luc Brahy, Eric Corbeyran, Achille Braquelaire et Bérengère Marquebreucq

De nouveaux indices permettent à Imago Mundi d’identifier qui veut leur mettre des battons dans les roues. Pour avoir des certitudes, il faut aller sur le terrain. Les preuves permettront-elles de propose un avenir plus réjouissant?

4e de couverture
Leia, Loïc et Harald sont à nouveau réunis. Leurs préoccupations liées au réchauffement de la planète, plus vives que jamais, les entraînent aux confins de l’Alaska pour enquêter sur les véritables activités d’une base scientifique gérée par l’armée américaine…

Mon avis
L’album commence sur des cadavres d’animaux marins. « Sept cadavres échoués sur le rivage… Sept orques venues mourir à quelques encablures d’un village de pêcheurs, ici, sur la côte ouest de Vancouver Island où nous nous trouvons actuellement… C’est un spectacle désolant, une tragédie à laquelle nous assistons, impuissants, en direct sur Nature Channel… » (p. 3). On pourrait se croire dans un album de la série « Carthago ». Seulement ici, les animaux ne sont pas venir se suicider à cause de poissons très anciens. Ici le responsable est plus direct, c’est l’Homme. Pour souligner cela, on voit un personnage qui représente les écologistes engagés avec Axel Miller, porte-parole de l’organisation Greendays. Bien entendu, la référence n’est pas en direction du groupe de rock. Il n’a pas d’explication à donner pour l’instant. « Il est un peu tôt pour porter des accusations, mais je suis d’ores et déjà certain qu’on peut chercher les coupables du côté de l’armée américaine… Ces gens-là n’ont jamais fini d’expérimenter des technologies toujours plus délirantes! » (p. 4).

Il se trouve que la fine équipe d’Imago Mundi suspecte aussi les même personnes. C’est toujours en lien avec HAARP. « S’il n’y a aucun sonar dans le secteur pour dérégler leur propre système de guidage, est-ce qu’un comportement aussi incompréhensible qu’un suicide collectif pourrait avoir été provoqué par des rayonnements électromagnétiques? » (p. 9). Le scientifique est septique. « HAARP émet des hautes fréquences alors que pour perturber le sonar d’une orque ou d’une baleine, il faudrait au contraire de très basses fréquences » (p. 9). C’est ici le nœud du problème. « De nombreux incidents d’échouages de cétacés coïncident avec des exercices acoustiques militaires de test du système L.F.A.S. (low frequency active sonar). Il s’agit d’un sonar de très haute technologie permettant de détecter des sous-marins ennemis à des centaines de kilomètres…Ce sonar envoie des ondes sonores d’environ 100 à 500 hertz… On utilise ces basses fréquences car elles sont très pénétrantes dans l’eau et également dans le sol… Il est probable que ces émissions acoustiques endommagent le système auditif des cétacés et les désorientent. » (p. 9). Est-ce légal? « la cour fédérale américaine a émis une injonction pour que la marine américaine stoppe le déploiement de ce système de sonar. » (p. 10). Les scénaristes se sont inspirés une fois encore de faits réels. Puisque la marine américaine a développé un tel système. A cause de la pression d’organisme environnemental, elle ne peut pas l’utiliser partout pour éviter de nuire aux baleines, dauphins et autres mammifères marins. Il n’y a pas grand chose à rajouter pour arriver à la fiction. « Il suffirait de moduler les très hautes fréquences émises par HAARP pour matérialiser dans l’ionosphère. Une antenne géante qui renverrait vers la terre les basses fréquences recherchées. En théorie, c’est parfaitement possible. » (p. 10).

Pour avoir des réponses, un petit déplacement sur place s’impose. Ils se font passer pour des activistes. La personne qui les accueille est charmante avec eux. « Auparavant, j’aimerais vous présenter notre brochure sur l’étude d’impact environnemental… Tout ce qu’il y a à savoirsur les rapports que HAARP entretient avec l’écologie se trouve consigné dans ce document. » (p. 12). Mais très vite, ils se font identifier par la sécurité et dégager dans les règles de l’art. L’armée américaine n’aime pas que l’on vienne chercher dans ces secrets. Pour la peine, elle donne à l’organisation le droit de reprendre son boulot histoire d’être en paix un moment. Cette réactivité intrigue le boss et décide poursuivre l’enquête.

Le militant a des informations à leur communiquer. « Comme vous le savez, notre organisation mène une grande offensive contre la compagnie Eggo, le plus grand pollueur de la planète. Au cours de notre enquête, sur diverses tractations occultes entre Eggo et certains gouvernements des pays du G8, nous avons mis la main sur une série de dossiers confidentiels de la Green oil. Avant sa fusion avec Energy group… En réépluchant ces dossiers, j’ai retrouvé la trace d’un accord officieux passé entre Johan Hodlands – qui deviendra plus tard directeur général de la Green oil – et Greg Sterling – l’un des fondateurs du futur projet HAARP. – Et quels sont les enjeux de cet accord? – Le jackpot pour les uns, des ressources énergétiques à profusion pour les autres. -Plus précisément? – La Green oil est propriétaire de gigantesques réserves de gaz naturel en Alaska. Potentiellement une véritable fortune. Mais une véritable fortune. Mais impossible à rentabiliser en raison du coût du transport. Via la Green oil, Hodlands a donc fait du lobbying auprès de l’administration américaine pour que le site de Gagona soit retenu pour l’implantation du projet HAARP. Ce qui permettrait à sa compagnie de revendre le gaz sur place, et à HAARP de profiter d’une énergie abondante pour alimenter ses générateurs. » (p. 18). Est-ce qu’il ne manque des données pour comprendre ce que cela peut cacher?

Sur place, ils trouvent des éléments. On revoit à nouveau la présence d’un autochtone qui subit tous ces enjeux géopolitiques. « Faites en sorte qu’une fois loin d’ici, nos voix se mêlent à celles de nos ancêtres pour défendre la cause de notre planète » (p. 45). Grâce à l’implication des trois personnes d’Imago Mundi, la vérité peut éclater. Elle se fait entendre à travers une figure populaire de l’écologie montrer dès le début. « Ces installations souterraines découvertes par l’agence Imago Mundi constituent la preuve d’un complot de grande envergure impliquant des membres de l’administration et de l’armée américaines, la compagnie pétrolière Green oil et plusieurs grands groupes de la finance internationale. » (p. 46). Pourquoi feraient-ils ça? « Il n’en manque pas! Contrôler les communications… L’absorption des rayonnements solaires… Produire de très basses fréquences pour analyser le sous-sol ou communiquer avec des sous-marins en plongée, au mépris de la menace que cette technologie fait peser sous les mammifères marins… Interagir avec les ondes cérébrales… Altérer le cerveau humain… And last but nos least… modifier à distance les conditions météréologiques!… Rien de moins que manipulation du climat!… Vous comprenez aisément que les instigateurs de cette technologie aient préféré rester discrets sur son déploiement!… » (p. 46).

Les explications vont être plus poussées par les héros de l’aventure. « – La puissance dont semble aujourd’hui disposer la base HAARP permet de modifier radicalement les caractéristiques de l’ionosphère. L’ionisation et l’échauffement résultants pourraient littéralement soulever toute une région de l’atmosphère! – L’arme climatique! Un vieux rêve des militaires qui remonte à la fin des années 40… De sinistres expériences ont eu lieu pendant la guerre du Vietnam dans le but de transformer ce rêve en réalité… Mais c’est toujours le même cauchemar qui est au rendez-vous! – Et! Je tiens quand même à signaler que depuis 1976, les techniques de modification de l’environnement à des fins hostiles ont été prohibées par la convention ENMOD (Convention sur l’interdiction d’utiliser des techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles)! – Et c’est sans doute la raison même du secret! Car une interdiction n’a jamais empêché les stratèges américains de continuer à bâtir d’invraisemblables scénarios d’apocalypse! Le cynisme de ces gens-là est sans limite. Je les crois même capables d’utiliser leur science de l’intox pour amener les populations à plébisciter les manipulations climatiques comme solution au problème du réchauffement. Ce serait une catastrophe écologique, mais cela serait parfaitement l’affaire des sociétés pétrolières qui pourraient continuer à saccager l’Arctique tout en augmentant encore notre capacité d’émission de gaz à effet de serre! » (p. 47).

Le bilan est-il forcément négatif? « Les derniers résultats en provenance de Concordia sont pourtant sans appel. Nous détenons le record absolu de gaz à effet de serre depuis au moins 800 000 ans! La question n’est plus de savoir si la machine climatique va s’emballer, mais quand!… » (p. 47). Le personnage annonce cela en lisant la revue « Nature ». « Ce qui n’a pas empêché Eggo de signifier très officiellement un nouveau refus d’investir dans les énergies renouvelables  » (p. 47). Le scandale passera car un bouc émissaire sera désigné et les choses ne changeront pas. Le scénariste n’a pas souhaité finir de façon négative. « – Tout ce cirque, bien entendu se déroulera sous le regard complaisant des grands médias… – C’est déprimant! – C’est vrai… – Mais on ira jusqu’au bout comme on l’a toujours fait! Car l’expérience nous enseigne qu’il n’y a pas de combat perdu d’avance… » (p. 48).

On termine la série un peu mi-figue mi-raisin. Le choix de faire quatre tomes 48 CC est dommage. Un choix classique souvent très apprécié par le lectorat. L’apparition des bd plus moderne montre qu’il est possible de faire un ou deux albums et de pousser certains sujets. Là comme il y a un impératif de faire 48 pages impérativement, cela contraint à faire du remplissage par moment. On le sent. C’est terriblement dommage. L’utilisation de faits réels donne une dimension réaliste à la fiction. Elle pointe l’influence des multinationales qui agissent avec la bénédiction de gouvernements. Le récit se déroule en Arctique qui est toujours une zone de tension. Son sol recèle de tellement de trésor de valeur. Tout le monde veut être le premier et avoir le monopole. Imago Mundi n’est pas totalement neutre dans cette bataille. Elle aussi se fait de l’argent sur le dos de cette compétition. Elle cherche à comprendre ce qui se passe car ses intérêts économiques sont en jeu. Sinon aurait-elle chercher plus? On est persuadé que non. La leçon de morale à la fin est un peu provocatrice. Néanmoins, elle parle aux lecteurs. Est-ce que l’on fait au niveau individuel peut vraiment avoir un impact? Au final, on nous dit que oui. C’est à cela que sert aussi les associations écologistes, à porter une parole pour sensibiliser l’opinion public qui fait pression sur les politiques. Ces derniers doivent répondre et soit faire des promesses ou soit identifier un coupable pour porter le chapeau. Etrangement, les exemples dans les faits ne manquent pas ces dernières années. C’est assez effrayants au final. L’écologie est au rendez-vous et exploite de nombreux aspects. Cela m’a incité à faire de nombreuses recherches pour mieux comprendre les références. Combien de lecteurs poussent la lecture ainsi? En tout cas, cela incite à se poser plus de questions et aller plus loin dans sa réflexion.

Une conclusion de série comme on s’y attendait. Mais que de brio dans le scénario même si cela aurait mieux en dehors d’un format classique 48CC.

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