
Il y a deux modes de vie bien distincts entre la ville et le fin fond de l’Alaska. Il est possible de s’adapter malgré les bouleversements de la nature. Mais cela ne sera pas le cas pour tout le monde.
4e de couverture
Sillonnant Paris jour et nuit au volant de sa BMW à crédit, Nathan enchaîne les courses Uber pour subvenir aux besoins de ses frères et sœurs. Faisant littéralement corps avec son GPS, Nathan plonge dans un vide assourdissant quand son portable tombe en panne. Suite à un accident, Annie, sa dernière cliente, lui propose de partir vivre en forêt avec Zoé et Etienne au fin fond de l’Alaska.

Mon avis
La couverture est vraiment très intrigante et attire tout de suite le regard. On y voit des couleurs assez douces qui se mélangent comme l’effet d’une aurore boréale. Sauf que les teintes sont rose et verte. Au milieu, avec un peu d’attention, en regardant bien les étoiles, on y voit un ours. Mais ce n’est pas un hasard que l’animal soit en dessous du titre, puisque cela représente un pizzyls. Un ours hybride issu du croisement entre un grizzly et un ours polaire. Cela n’existe pas vraiment. Néanmoins, c’est drôlement brillant comme invention de la part de Jérémy Moreau. Et dans l’animal en question, trois personnages volent comme ceux de Peter Pan. Rien qu’en observant la couverture, nous avons un vrai avant goût de l’incroyable récit qui va nous être proposé. Le talent s’affiche très vite.
Le dessin psychédélique nous plonge dans quelque chose de singulier. Nathan se sent dépassé depuis la mort de ces parents. Elevé seul deux enfants, sa sœur et son frère est difficile. Entre les gérer et payer les factures pour leurs écoles privées, l’appartement, les emprunts… c’est trop. Un jour il fait une rencontre surprenante. Comme il est chauffeur, il doit emmener une femme à l’aéroport pour partir en Alaska. Un accident grave l’amène à l’héberger chez lui. Puisque tout part n’importe comment pourquoi ne pas aller en famille en Alaska. Pendant un temps, il laissera de côté les problèmes. Le bédéaste travaille avec précision la complexité de la relation de famille. Aucun doute que de nombreux lecteurs pourront s’identifier à bien des situations conflictuelles comme l’arrêt des jeux vidéos et du téléphone portable. Et il travaille surtout sur une approche écologique qui évoque l’impact environnementale et à la fois les conséquences sur les populations locales. Pour valoriser cela il utilise le mysticisme.

L’esprit de la nature entre en résonnance avec les trois individus et pas seulement dans les rêves. Des choses étranges se déroulent aussi sur la terre. A cause des conséquences du réchauffement climatique, même les liens entre les individus changent. De nombreux autochtones ont du partir, ceux qui restent glissent sur la mauvaise pente. Ils sombrent dans l’alcool et deviennent violent. Des faits malheureusement bien réels. L’expression « il n’y a pas de saison » prend tout son sens. Les cycles naturels sont perturbés donc les arbres et les animaux se comportent autrement. La neige fond plus vite. Il y a des inondations récurrentes et importantes. Ainsi des maisons ont totalement disparus. Vivre en Alaska demande de la résilience.
Le dessin particulier de Jérémy Moreau risque d’en dérouter plus d’un. C’est assez rare dans le 9e art d’affirmer son univers graphique. Si vous tombez sous le charme vous pourrez en profiter dans la plupart des productions. Le dessin est en aplat et il y a peu de détails. Très vite on s’habitue à ce style et on tourne les pages captivées. D’autant plus que le scénario est très bien ficelée. On est touché par tous les personnages avec leurs fragilités et leurs doutes. La fin est d’une grande poésie et d’une grande délicatesse. On ne peut avoir qu’envie de poursuivre l’expérience de lecture.
Une lecture atypique et saisissante qui ne s’oubliera pas.

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