Monet – Nomade de la lumière – Efa et Salva Rubio

A l’évocation du nom de Monet vient en mémoire des images des toiles du maître. Le chemin pour devenir artiste n’est pas forcément linéaire. Efa et Rubio donnent à voir aussi bien les influences que l’homme derrière le pinceaux.

4e de couverture
Du Salon des Refusés au mouvement des Impressionnistes, de jeune peintre désargenté à grand bourgeois tutoyant les huiles, du mari à l’amant… la vie de Claude Monet fut pour le moins plurielle. Chef de file, à son coeur défendant, d’un mouvement qui bouleversa la vision de la peinture au XIXe siècle, l’homme n’est finalement resté fidèle qu’à une seule quête : celle de la lumière absolue, qui viendrait éclairer toute son oeuvre de sa perfection.
Salva Rubio et Ricard Efa nous racontent aujourd’hui les aléas de cette recherche, dont Monet paya le prix autant qu’il l’encaissa, à travers un somptueux roman graphique.

Mon avis
Il suffit d’aller au musée d’Orsay dans la galerie des impressionnistes ou au musée de l’Orangerie dans la salle des Nymphéas pour voir le succès pour Monet et ces contemporains. Des individus du monde entier viennent pour découvrir ces splendeurs qui nous touchent. Bien que la reconnaissance est été très tardive, Oscar Monet et non Claude Monet, a toujours vécu pour son art. Aurait-il pu faire vraiment autre chose? Il devait reprendre le commerce du paternel et grâce à une tante artiste du dimanche, il a pu aller sur Paris et se former. Il part avec la précieuse aide et conseils d’Eugène Boudin et de Johan Jongkind. A la capitale, tout devient différent. Entre les coups de pinceaux et les coups de reins, les situations financières et amoureuses évoluent. Les dettes n’arrêtent jamais de s’accumuler jusqu’à la reconnaissance totale par ces paires et les commanditaires. Là, il pourra s’acheter la maison de ces rêves et faire le jardin avec un plan d’eau et un pont. Toutes les sources d’inspiration sont réunis au même endroit.

Salva Rubio retrace avec précision les grands moments de la vie de l’artiste aussi bien les échecs que les réussites. Il n’oublie de mettre le contexte politique et social de la France au 19e siècle avec les conflits armés. Il souligne les conditions encore plus difficile de la femme qui doit se débrouiller pour avorter tout en gérant le logis, les repas, le chauffage.. Avoir beaucoup d’enfants pour les plonger dans la pauvreté n’est pas un souhait de parents. Même si Clémenceau reste peu présent, il est là comme les amis fidèles avec Bazille, Pissaro, Renoir… Il explore tous les champs essentiels pour rester fidèle à la réalité.

Le scénariste a du faire des choix pour éviter de devoir faire plus de 200 pages. Par exemple, il passe rapidement sur la difficulté de récupérer les huit panneaux pour le musée de l’Orangerie, récupérés à la suite du décès du peintre. Même constat pour les problèmes de vue du peintre qui lui a permis de peindre autrement avec d’autres couleurs. Il a accepté de faire opérer d’un oeil pour être certain de ne pas devenir aveugle. Il a été un patient détestable aussi bien avec ces amis que son médecin. D’ailleurs, c’est très intéressant de débuter et de cloturer le livre sur cet évènement. Il est rarement usité pour parler du peintre.

Après, c’est au lecteur d’aller plus loin pour connaître encore mieux l’homme derrière le peintre. Côté couleur et graphisme, Efa a du prendre beaucoup de plaisir à jouer sur un dessin réaliste, précis, enthousiaste et des représentations innovantes pour l’époque avec les coups de pinceaux ainsi que les jeux de teintes. Un sublime choix esthétique qui va ravir aussi bien les néophytes que les adeptes. Surtout qu’il réalise à la fin de l’ouvrage un récapitulatif des œuvres entre adaptation et réalité. Tout a été très bien travaillé pour s’approcher au plus proche de la réalité et faire de la pédagogie. Afin de donner une légitimité à la publication, rien de tel qu’une préface écrite par Hugues Gall, directeur de la fondation Claude Monet et du musée de Giverny. Une nouvelle fois, un très bon choix. Impossible de s’arrêter ici une fois la lecture finie. On voit voir en vrai ces toiles, aller à Giverny, lire d’autres bd, se plonger dans des essais, regarder des documentaires… Le duo a fait réaliser un ouvrage de très grande qualité sur la fond et la forme comme il est rare d’en lire. Et surtout il donne l’envie d’aller plus loin. Ils proposent une mise en bouche très judicieuse et audacieuse. Merci messieurs.

Une bande dessinée captivante qui incite à trouver d’autres du même genre pour rencontrer tous les artistes cités.

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