
« Tweet n°1 » de Guillaume Basquin se présente comme une expérience littéraire radicale, à la croisée de la poésie contemporaine et du manifeste expérimental. Ce livre sans point bouscule la syntaxe traditionnelle et invite le lecteur dans un espace mouvant où la langue respire, se décante, s’enivre. Entre culture générale, digressions érudites et éclats du quotidien, il propose un voyage aussi dense qu’inattendu.
4e de couverture
Le 27 octobre 2022, l’entrepreneur Elon Musk rachète Twitter et promet de libérer la parole sur le célèbre réseau social : il va relâcher l’« oiseau bleu ». Un an après, les petits tyrans du « fact-checking », qui se sont trompés sur tout et n’ont fait que relayer des Fake News non vérifiées à longueur d’année, en appellent à boycotter Twitter devenu entre-temps X pendant 24 heures. Un an et demi plus tard, Joe Biden annonce son retrait de la course à la présidentielle américaine sur X. Notre auteur transforme cette tragi-comédie en farce littéraire, façon Alfred Jarry, en s’appuyant sur un autre livre qui avait décortiqué son époque en son temps, Télex N°1 de Jean-Jacques Schuhl, auquel il rend hommage. Le réseau, devenu la 24e lettre de l’alphabet, X, devient l’objet d’une féerie littéraire excentrique en 10 tweets parfaitement carrés. « La liberté dans l’Histoire » : ainsi Philippe Sollers concluait-il une émission télévisée consacrée à la figure d’André Breton. Ce livre reprend ce programme là où le pape du surréalisme l’avait laissé. Au delà de ceci, Guillaume Basquin oppose à la volonté d’immobilisme de notre époque le monde agité et mouvementé des seventies du Télex n°1 de Jean-Jacques Schuhl, où tout bougeait, et surtout tournait – quand toutes les utopies paraissaient encore possibles. Notre monde est désenchanté, dépressif ? Ré-enchantons-le par le verbe et la féerie littéraire ! Stéphane Mallarmé avait inauguré la modernité en littérature avec son Sonnet en X ; tweet n°1, premier éloge littéraire du réseau X – nouvelle agora du débat d’idées – et de son repreneur, Elon Musk, en est la continuation. Et nous voici face au X, qui fait passer de la fiction à la fiXion.
Mon avis
Tweet n°1 frappe d’abord par sa forme : Basquin a fait le choix brutal et élégant de bannir la ponctuation traditionnelle, en particulier le point, donnant au texte un rythme organique, presque musical, qui tranche avec la logique du tweet éphémère et lapidaire dont il détourne pourtant la promesse. La mise en page étonne, éclate le regard, joue avec l’espace blanc, laisse déborder la phrase comme un torrent non canalisé. Ce flux sans cesse renouvelé n’est pas qu’un geste esthétique : il donne au lecteur la sensation de plonger dans une conscience en mouvement, une pensée en construction, où chaque fragment d’érudition, chaque anecdote du réel, chaque fulgurance biographique se répondent en échos. L’absence de point évoque l’infini déplacement, la révolte contre tout enfermement, la volonté de brouiller la frontière entre le savant et le quotidien, entre réflexions sur l’art, la politique et les anecdotes de la vie la plus prosaïque. Ce livre établit ainsi une correspondance secrète entre les réseaux sociaux, où la pensée se fragmente, se réinvente sans cesse, et la littérature qui, ici, devient expérience limite, défi à la norme, refus du consensus. L’érudition de l’auteur affleure à chaque ligne, mais jamais elle n’écrase : elle se marie au trivial, au trivial sublimé, produisant un effet d’hallucination créatrice. Sous les flots du texte, on devine aussi une dimension ludique, polémique, parfois absurde. Le livre semble nous dire que tout se vaut, que tout s’agrège, du grand récit à l’infime détail, de l’histoire universelle à la trace laissée sur le réseau. Enfin, la lecture, exigeante et libre à la fois, invite à reconsidérer notre rapport à la langue, à la culture, au monde.
Tweet n°1 apparaît alors comme un manifeste de la littérature contemporaine la plus décomplexée, ouvert sur tous les possibles.
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