
Tout le monde possède un imaginaire autour de la drogue. Les médias stigmatisent souvent les plus pauvres et les plus précaires. L’association Gaïa essaie d’aider les addictes qu’importe les imaginaires.
4e de couverture
En mars 2021, Mat Let s’est rendu à la salle de consommation à moindre risque de Paris Lariboisière pour comprendre et donner à comprendre la réalité de ce lieu qui déchaine les passions. Il y a rencontré celles et ceux qui peuplent ses locaux. Des bénévoles de Gaïa (l’association qui gère la salle) aux usagers, il dresse le portrait saisissant d’un lieu fait de vie et d’humanité.Mat Let a également suivi les équipes de Gaïa sur le terrain, des jardins d’Eoles au square Forceval, dans un Paris alors en pleine crise du crack. L’association œuvre dans les zones de consommation à ciel ouvert en proposant des conditions de consommation à moindre risque ainsi qu’un accompagnement social. Car ballotés au gré des décisions préfectorales, les usagers sont contraints de vivre dans la marginalité. Une situation sans issue pour une population qui trouve dans le crack une échappatoire à cette réalité sordide.Réalisé en partenariat avec Médecin du monde, A moindre risque est une porte d’entrée dans un lieu suscitant bien des fantasmes et pourtant méconnu. Mat Let y décrit un lieu de vie, bien loin de l’image mortifère dégagée dans les médias. Un lieu où se croisent des destins divers, souvent difficiles, et porteur d’espoir.

Mon avis
Mat Let transcende les frontières de la bande dessinée documentaire pour offrir une plongée humaine et nuancée dans un univers souvent méconnu et stigmatisé avec les salles de shoot. Dès les premières pages, le lecteur est confronté à une réalité bien éloignée des clichés véhiculés par les médias. Le bédéaste à travers une immersion de plus d’un an au sein de la salle de consommation à moindre risque de Paris Lariboisière, dépeint avec justesse le quotidien des usagers, des bénévoles de l’association Gaïa et des professionnels de santé. Son approche, empreinte d’humilité et de respect, permet de dévoiler les multiples facettes de ces lieux controversés, souvent réduits à des caricatures dans l’opinion publique.
Le récit est ponctué de portraits touchants, comme celui de Banban, musicien aspirant à une reconnaissance dans le métro parisien, ou de Tony, dont les parcours de vie chaotiques illustrent la complexité des trajectoires individuelles. Ces témoignages, loin de toute victimisation ou héroïsation, offrent une perspective authentique sur les défis quotidiens auxquels sont confrontées ces personnes. On apprend qu’il faut au moins 6 cures pour décrocher. Le scénariste ne se contente pas de relater les événements observés. Il s’implique personnellement, partageant ses réflexions, ses doutes et les impacts de cette immersion sur sa propre vie. Cette dimension introspective enrichit le récit, le rendant d’autant plus poignant et sincère. Et surtout cela nous renvoie à notre posture et notre regard sur ces consommateurs que l’on voit dans la rue. La pauvreté et la précarité sont riches d’imaginaires péjoratives. Les salles de consommation ont pour fonction de pouvoir proposer un cadre de sécurité et de socialisation. Quand on a perdu tout lien avec les autres, comment se projeter dans une société normative? Déjà proposer ce lieu est déjà un premier pas pour voir le monde autrement. Ceux qui veulent plus, c’est possible. L’ensemble des personnes présentes les aide quand ils en font la demande. Cela ne sert à rien d’aider des gens qui n’ont rien demandé. Ils ne sont pas prêt à s’engager. Proposer un endroit sécurisé est déjà faire quelque chose. On ne sort pas de l’addiction en un claquement de doigts surtout avec des produits comme la coke. Pour l’instant, on ne peut se sevrer. La consommation de drogue augmente surtout auprès de cadres par exemple qui pour être performant en prennent quotidiennement. Eux sont invisibilisés par les médias et pourtant, ils restent majoritaires.
Graphiquement, le travail de Mat Let, soutenu par les couleurs de Fachri Maulana, parvient à capturer l’essence de ces lieux et de leurs occupants, oscillant entre réalisme brut et sensibilité artistique. Les illustrations, parfois dures, parfois empreintes de tendresse, renforcent l’immersion du lecteur dans cet univers complexe. On ne ressort pas la même personne avant qu’après. La lecture de cette bande dessinée est essentielle, qui, par son approche empathique et documentée, contribue à déconstruire les préjugés et à ouvrir le dialogue sur des questions de santé publique, de précarité et d’humanité. Une lecture qui bouscule, instruit et humanise. On voit aussi très bien l’utilisation des politiques, principalement d’extrême droite qui propage un message simpliste pour s’assurer des votes. L’intervention de policiers ne change jamais le problème, c’est juste de la com à court terme, de la visibilité médiatique. Ces politiques ne devraient pas plutôt s’emparer concrètement d’une question de santé publique au lieu de leur réélection. Mentir atteint vite ces limites et décrédibilise la valeur de la démocratie.
Une lecture qui change notre regard sur les consommateurs de drogue. On veut poursuivre notre enrichissement de connaissance car notre société le vaut bien.
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