Vous croyez que le Moyen Age est rempli de belles histoires d’amour? Camille Potte propose une aventure qui remet les choses en place . Les héros ne sont pas toujours ceux que l’on croit.

4e de couverture
Le Prince Gourignot de Fouët est bien malheureux, et pour cause, le voilà transformé en grenouille. Rien ne l’avait préparé à cet état, ni au complot fomenté dans son dos, dans le but de le destituer. Un seigneur qui tombe, c’est un peu de démocratie qui s’installe… quoique… Pendant ce temps, la valeureuse Gounelle, chevalière de son état, s’en va délivrer la princesse Patin à la peau d’albâtre et affronter le dragon qui la garde, mais pour elles deux, le chemin du retour sera bien long, sinueux, semé d’embûches, mais aussi de découvertes. Si l’on rajoute une salamandre hallucinée, une sorcière acariâtre, un ménestrel insupportable et des grenouilles mélomanes, on commence à avoir une petite idée de la folie pure qu’est Ballades, le premier livre de Camille Potte, et on vous le dit comme on le pense, assurément un des livres les plus drôles et attachants de l’année.
Faisant fi des modes, Camille Potte travaille dans Ballades une esthétique tout en rondeur, organique, qui évoque les années 70, l’underground, F’murrr et Vaughn Bodé. Mais derrière ces influences graphiques issues du passé, se cache un récit aux propos d’une grande modernité, et si la farce est irrésistible, c’est aussi pour mieux nous parler de féminisme, de démocratie, d’injonctions et de mille choses encore… Et puis il y a les grenouilles !

Mon avis
Quand on regarde la couverture, on sait tout de suite que l’on va vivre une aventure de lecture incroyable. On ne va pas être déçu de ce qui nous est proposé. Camille Potte maîtrise les codes des récits de héros du Moyen Age. Comme l’espièglerie fait parti de la créativité de la bédéaste, on a le droit à un choc des cultures des plus improbables. On aime l’impertinence qui se trouve caché un peu partout. Déjà, le prince Gourignot de Fouët transformé en grenouille par une de ces proches tente de se faire entendre. Pas facile en étant un batracien qui ne parle pas la langue des humains. Un tour de magie lui rend la parole et il redevient roi. Il peut même se marier avec une demoiselle en détresse enfermée dans une tour isolée du monde et vierge. Mais les rebondissements ne manquent pas et nous surprennent à chaque fois que l’on tourne les pages. On fera face à un dragons, des soldats en armure, des pervers violeurs prêt à dénoncer une femme pour sorcellerie car elle se refuse à lui… Les regards sur la modernité se font avec la question que le peuple souhaite une organisation plus horizontale et donc de la démocratie. « Nous avons pourtant tenté d’établir un dialogue, mais le peuple semble douter de nostre approche ». Il n’y a pas raison que tous les pouvoirs soient concentrés en un homme. Les codes du mâle alpha qui est capable de tout faire car son intelligence se trouve dans ces testicules prend cher. Ici on a le droit à rencontrer une chevalière en tenue pour botter le cul aux manants et délivrer les princesses solitaire. Une nana courageuse avec une très jolie tignasse rousse qui réfléchit à son métier et son futur. De même pour la demoiselle dans la tour, à part être épouse d’un noble, que peut-elle faire? Boulangère? Une jolie réflexion sur le champ des possibles de femmes dans un monde patriarcal et phallocrate. « Qu’oïs-je? Le doux babil de deux puceylles sans escorte? (…) Prenons nostre dû, compère. Si elles se plaignent nous les dirons sorcières. Elles le sont probablement. Et puis les « chevalyères » ça n’existe pas. » Une interrogation toujours d’actualité même si les lignes ont un peu bougé pour l’instant. Le futur s’annonce assez rétrograde. L’originalité en plus du graphisme assez cliché et simpliste, se fait à travers le langage avec le vieux François. Parfois, il faut s’accrocher mais rien de telle pour nous faire vivre une expérience complète.

Un album audacieux et courageux dans sa démarche de revisiter les contes de fées où la princesse s’offre d’autre possibilité que d’être soumise et être un objet de transaction.

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