Certains, d’un sujet peuvent vous écrire des romans. Puis d’autres, d’un regard savent quel angle sera le meilleur pour une photographie. Weegee avait ce don, voir la beauté dans la mort. Clic, c’est dans la boîte. 

De quoi ça parle?
Direction New-York, Lower East Side, fin des années 30, sur le terrain de chasse privilégié d’Arthur Fellig  (1899-1968) dit Weegee. Branché sur les ondes de la police, il avait les nouvelles toutes fraîches des meurtres, viols, accidents… Ainsi, il arrivait le premier sur les lieux du crime. Il apportait au besoin quelques changements comme bouger un bras pour rendre le cliché le plus parfait possible. 

Une fois satisfait de son travail, il développait lui-même ces photographies à l’arrière de sa voiture, puis direction la vente à la presse à scandale. 


Mon avis
S’il n’avait pas été photographe, il serait toujours violoniste pour film muet. La bd ne nous dit pas s’il était aussi talentueux avec son appareil photo qu’avec un violon.

Toujours avec une chemise blanche, un imperméable noir, un chapeau et un cigare, il a su affirmer un style autant à l’extérieur que dans ces créations. Il a été considéré comme l’un des pionniers du photo-journalisme avec des photos chocs et l’un des premiers pigistes indépendants. 

La publication dans la presse à scandale lui permet d’avoir une petite renommée. Elle débute déjà par les gens de son quartier qui l’appelle par son surnom Weegee. Mais il en veut plus et il veut voir plus grand que ce quartier qu’il connaît comme sa poche. En plus, la thématique des morts ou de la violence n’est pas son seul créneau. Il sait aussi photographier les chats et les gens ordinaires.

La reconnaissance, il l’aura en 1943 avec une exposition au MoMA. Cela lui ouvrira les portes d’Hollywood où il sera consultant. Le scénariste Max de Radigués n’a pas choisi de parler vraiment de ce moment de sa vie. Il s’intéresse à la période, où il roule de rues en rues à l’écoute de la radio de la police pour photographier les victimes, mortes ou vivantes.

L’homme est épuisé. Il lui faut toujours un d’alcool pour tenir. Toutefois, il s’offre des moments de plaisir avec une prostituée ou une amie. Son monde est bien sombre. Il est à l’image d’un pays entre deux guerres et qui peine de sortir de la crise de 1929. Il y montre le désespoir et la misère. Doucement, il se rapproche de la lumière vers les stars, le luxe et l’opulence. Mais invariablement, il revient vers la mort qui lui tient compagnie même pendant ces insomnies. 

Pour raconter l’histoire de ce photographe qui apprécie le cadavre bien frais, il ne fallait pas s’attendre à des couleurs éclatantes. C’est pourquoi Emmanuel Moynot a choisi de jouer avec une palette de blanc, noir et gris. D’ailleurs comment imaginer la fin des années 30, dans ce contexte sans ces teintes qui m’évoque aussitôt le travail de Dorothea Lange ou Walter Evans. 

Le style graphique n’est pas sans évoqué celui de Joann Sfar. Il est dorénavant assez courant ce qui l’était un peu moins en 2016. Même si le rythme est assez lent, on ne s’ennuie pas. Ainsi on se focalise sur l’artiste, son mode de création, d’inspiration. On perçoit vraiment mieux l’homme et sa façon de penser. Aussi l’état d’esprit de l’époque où le macabre fait parti des choses ordinaires. La misère conduit à la violence domestique, à l’alcoolisme et la mort. Les corps sont marqués comme les esprits. Cette Amérique corrompue, pauvre, sale, opulente et déviante se retrouve fidèlement dans les images de Weegee. Même si l’on peut trouver cela assez sombre, il ne faut pas oublier que l’humain est friand du morbide. On peut le constater avec le journal télé qui ne donne que des mauvaises nouvelles, le nombre de magazines à scandale lié à des meurtres comme « Détective », les sites payants pour voir des gens qui se battent, se suicident ou frappent des animaux… Weegee a répondu à un besoin vicieux de l’Homme et il en a profiter pour affirmer son identité. Chaque image avait son logo. Une façon ingénieuse de faire de la place dans le milieu et du grand public. Un innovateur dans les médias dont la mémoire va perdurer grâce à la bd.

Une excellente bande dessinée qui permet de découvrir un photographe méconnu. Une jolie porte ouverte sur un homme à la trogne de malfrat, taciturne et râleur mais au combien talentueux. Il est certain que l’on ne verra plus la mort pareil.

L’avis de Noukette : « Passionnante biographie à peine romancée du célèbre photographe américain d’origine hongroise Arthur Fellig (1899 – 1968), plus connu sous le nom de Weegee. Un personnage qui a réussi à façonner sa propre légende. Tête de malfrat, attitudes de vautour, opportuniste mais véritable génie de l’objectif, capable de capter sur pellicule l’âme même de New York. Témoin privilégié de la société américaine en plein marasme, observateur sans filtre des inégalités et des discriminations qu’elle laisse perdurer, Weegee est un peu le grain de sable dans l’engrenage. Max de Radiguès s’empare à merveille du mythe et nous le rend extrêmement attachant.« 

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