
Salammbô est une femme d’une grande séduction. Tellement à part qu’un homme était prêt à ravager l’univers pour la trouver. Leur rencontre n’a pas été si heureuse.
4e de couverture
Au IIIe siècle avant J.-C., les mercenaires employés par Carthage pendant la première guerre punique se soulèvent contre leurs employeurs qui reportent sans arrêt le paiement de leur solde.
Deux chefs de clans barbares, Mathô et Narr’Havas, tombent amoureux de la belle et éthérée Salammbô, fille d’Hamilcar, le suffète de Carthage. S’ensuivra un conflit sanglant et de maintes surprises du destin. Une guerre qui a plus à voir avec les sentiments d’orgueil, de passion et de désir qu’avec la politique..
Salammbô fut d’abord un roman que Flaubert écrivit à la moitié du XIXe siècle pour s’extraire du monde contemporain, raconter l’exotisme. Salammbô, Druillet se la réapproprie à partir de 1980, d’abord dans les pages de « Métal Hurlant » puis dans « Pilote ».
transpose les guerres puniques dans le Monde de l’Étoile, et donne à Mathô l’identité de son personnage fétiche, Lone Sloane, venu se perdre dans la guerre pour l’amour d’une femme fatale.
Le verbe à la fois sobre et luxuriant de Flaubert est transcendé par les pages incroyables de Druillet, arrivé à la maturité de son talent, qui explose les cadres et s’affranchit des conventions de la bande dessinée.
Un triptyque capital dans l’histoire de la bande dessinée, remaquetté pour cette nouvelle édition en intégrale.

Mon avis
Philippe Druillet est un passionné et un gros travailleur. Après « La Nuit », il cherchait quoi faire car il semblait avoir tout dit. Son ami journaliste et écrivain, Philippe Paringaux, lui conseille de lire « Salammbô » de Gustave Flaubert. Suite à des relances insistantes de sa part, le bédéaste décide d’aller en librairie pour ce procurer ce fameux roman. Dès la première page, une explosion d’idées le percute. Il fallut 7 ans pour le faire et termine en 1987.
Il a choisi de structurer la bd en suivant fidèlement la narration du roman, chapitre par chapitre. Le découpage est le même que Flaubert avec une structure de travail en double page avec le récit d’un côté et de l’autre des annotations comme puissance, force, calme, amour, violence, bataille… Le créatif pousse aussi son perfectionnisme tout comme l’auteur du 19è en allant plusieurs fois à Carthage pour doper son imaginaire. Druillet est un dessinateur qui propose des visions très modernes, hors normes et explosent les cadres. D’ailleurs, l’ouvrage en impose pour son aspect esthétique. Il y a des pages avec juste des portraits ce qui semble tout à fait cohérent.

Par contre pour la lecture, c’est d’une part très verbeux. On reconnaît parfaitement le style de Flaubert avec des longues explications et de longues descriptions. Une forme stylistique qui se veut plus pompeux de nos jours. Visuellement, c’est contraignant de lire. On a déjà un choix de polices peu lisibles. Puis parfois, la taille est vraiment très petite et très dense dans un espace étroit. Et d’autre fois, la taille est très grande avec des lignes de texte très proches dans des teintes qui fatiguent la vue. Une alternance permanente qui rend vraiment compliqué la lecture, d’autant plus si vous lisez dans les transports en commun. On ne lit pas l’intégrale d’un trait car cela demande de l’énergie et de la patience.
L’histoire n’est pas si palpitante. La ville de Carthage est attaquée par des mercenaires téméraires et très motivés. Ils ont été embauchés au IIIe avant 0 pendant la première guerre punique. Mais aucun n’a été payé ce qui fait émerger la guerre des Mercenaires. Une opportunité pour Flaubert avec un fait historique peu documenté et qui joue avec l’imaginaire d’un Orient exotique, sensuel et violent. Druillet exacerbe la haine des carthaginois à l’image des nazis. Il intègre aussi son héros emblématique, Lone Sloane, identifié à Mathô qui est obnubilé par la vierge prêtresse Salammbô.
Graphiquement, cette femme est toujours sublimée. Le bédéaste travaille beaucoup sur les couleurs, les nuances et les supports. Elle apparaît en photo-montage, à l’image d’une vraie femme. Les pages sont ultra-chargées avec beaucoup de détails. Principalement les scènes de combats qui ne manquent pas. Les couleurs criardes nous poussent à faire attention. Même si on n’accroche pas au récit assez ennuyeux, on tourne avec lenteur les pages. Il y a de quoi voir. D’ailleurs, notre curiosité est même poussé pour voir les pages avant d’être colorisées. On comprend aussi le sens de la révolution « Métal Hurlant ». Fini le gentil gaufrier à la Tintin. On explose les codes pour mettre la mise en page au service du service et non l’inverse. Par conséquent, les 46 CC direction la poubelle. La bd est un médium riche comme les autres et trouvera toujours un moyen de s’exprimer. Lire « Salammbô » c’est une expérience de lecture pour aussi mieux comprendre l’Histoire du 9e art.
Une lecture intense, fatigante et créative qui montre que les frontières de l’imaginaire peuvent être dépassée.

Laisser un commentaire