
Que savons-nous vraiment des gaz de schiste? Sylvain Lapoix mène l’enquête pour comprendre les origines, l’exploitation et les finalités politiques. Les résultats font froid dans le dos.
4e de couverture
Depuis 2011, la France est le premier pays au monde à avoir officiellement interdit la technique de fracturation hydraulique pour l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste.
Pourtant la situation n’est pas close et à l’intérieur même du gouvernement actuel, pro et anti gaz de schiste s’affrontent. Doit-on sous prétexte d’indépendance énergétique et d’emplois, laisser détruire et polluer notre territoire ?
A t-on besoin d’une énième énergie de transition avant de passer à un autre modèle ?
Avec Energies extrêmes, Sylvain Lapoix et Daniel Blancou nous expliquent l’origine de cette énergie fossile, et comment des grandes entreprises américaines y ont vu un intérêt suite aux chocs pétroliers des années 70.
Nous suivons également les lobbyings que cela provoque chez les partisans comme les opposants. Enfin, ce livre nous montre comment cette nouvelle énergie redessine la géopolitique mondiale.

Mon avis
Les bandes dessinées qui traitent du gaz de schiste sont assez rares. Le sujet est assez polémique. Faire des recherches dans un secteur où l’argent et la coopération entre politique et groupe industriel est risqué. Il n’en faut guère plus pour être considéré comme un individu dangereux. D’ailleurs, on sent un peu ce stress qui monte progressivement. Surtout pour les activistes écologiques qui veulent autant protéger l’environnement que les citoyens risquent gros en cherchant la controverse.
« Cet épisode rappela à ma mémoire un article que j’avais lu quelques mois plus tôt : une note interne aux services de renseignements français invitait à veiller de manière permanente sur les mouvements de défense de l’environnement pouvant être amenés à des « actions fortes sur les thèmes du nucléaire ou du gaz de schiste. Mes demandes d’informations à la Direction centrale de la sécurité publique, d’où émanait ce document, furent vaines.
– Nous veillons aux manifestations qui peuvent troubler l’ordre public pour la sécurité des manifestants eux-mêmes. Quant à la note, nous n’avons pas de commentaire.
Pour ma part, j’avais un commentaire : l’affaire était sérieuse puisqu’il s’agissait d’une mesure amenant au fichage voire à la surveillance par les autorités des militants écologistes sur ce seul critère. En fouillant un peu, j’ai réalisé que l’idée venait peut-être de la Commission européenne, qui avait lancé un appel d’offres en juillet 2011 pour une étude sur les « travelling violent offenders » (ou TVO). En français dans le texte, les « délinquants violents itinérants ». Le bon de commande dressé par la Direction générale affaires intérieures demandait ainsi de proposer « au moins 3 définitions de l’expression « délinquants violent itinérants » au niveau de l’UE ». Facturé 169 850 euros, le rapport signé par la société de conseil , ICF mettait dans ce même sac labélisé TVO hooligans de stades anglais, manifestants anti-G20 et militants écologistes. Pour la France, les actions contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes étaient citées en exemples de mobilisation symptomatique de « la montée des TVO ». Quant aux recommandations, elles étaient simples : faciliter la collecte et le partage d’informations sur tous les TVO ainsi énumérés entre les services de police des Etats membres. » (pp. 94-95).
Le scénariste insiste sur cette idée avec le témoignage de Kevin Walby : « Et c’est à ce moment qu’à émergé le terme de « multi-issue extremists » qui regroupait sous un même nom ces militants non violents. Mais que les autorités avaient besoin de catégoriser pour pouvoir organiser la répression. La définition de ce terme brouille la notion de menace : les rapports ne se concentrent plus sur le terrorisme mais sur l’ »extrémisme », ce qui implique que le mode d’action devient moins important que sa motivation. Les autorités procèdent à une véritable « fabrication » de l’ennemi. En l’occurrence : l’Indien, l’écologiste et, dans une moindre mesure, le militant syndical. » (p. 96). Une information d’une grande importance et qu’il faut considérer si l’on souhaite changer les choses de l’intérieur.
On est assez captivé par l’ensemble de la démarche en France et aux Etats-Unis. Comme on annonce la fin prochaine des réserves de pétrole, il est nécessaire de trouver des alternatives. Par conséquent, plus d’une entreprise se lance dans la recherche et développement pour faire du fracking. Il y un peu d’évolution jusqu’au moment où le gouvernement finance les innovations. Quand l’argent ne coule plus à flot, seules les grandes entreprises gardent un service de recherche. En parallèle, des particuliers investissent dans les techniques et les sites. Le savoir-faire s’affine et des brevets sont déposés. La technique évolue assez peu par contre les explorations se répandent. Les conséquences néfastes sont très vite identifiés avec la pollution des sols, des eaux et de l’air. Ni les experts des entreprises ni du gouvernements ne trouvent des choses. Puis des études plus poussées permettent de trouver des polluants issus directement des puisements. Aucune action n’est mise en place pour limiter les dégâts. Par contre, il est conseillé de ne pas boire l’eau du robinet et qu’il faut éteindre ces appareils électrodomestiques pendant sa douche. Ce n’est pas négligeable. La matière demande de l’eau et des produits toxiques. Quand le sujet arrive en France pour toujours des alternatives au pétrole et comme énergie verte, le sujet est étouffée. Les politiques font tout pour que les médias ne s’approprient pas la problématique. A nouveau les opposants sont malmenés et considérés comme des rebelles nuisant à la réussite de la nation. Qu’importe si ce n’est qu’une toute petite partie de la population qui va en profiter et que beaucoup vont gagner beaucoup d’argent. Tout ça est très choquant et déprimant. Heureusement qu’il y a des bédéastes audacieux qui utilise leur médium pour partager leur travail et leur inquiétude. Impossible de ne pas avoir envie de voir ou revoir « Gasland ».
Le dessin et la mise en couleur de Daniel Blancou est très réaliste. Il ne se préoccupe pas vraiment des détails des paysages, de demeures… L’important est le contexte et le récit. La collaboration entre les deux bédéastes démontrent concrètement la collusion entre les gouvernements de tous pays et les lobbies industriels, la criminalisation des opposants principalement écologiques, le chantage à l’emploi comme on trouve régulièrement dans tout gros projet et l’indépendance énergétique pour convaincre alors que c’est totalement faux mais rien de tel pour faire barrage aux énergies renouvelables. Difficile de voir un futur plus réjouissant quand au final c’est toujours la loi du plus riche qui gagne.
Un album très complet qui nous incite à voir ce que le gouvernement présente comme une énergie du futur. Communication, manipulation, désinformation, répression suffisent à imposer des systèmes destructeur et peu rentable.

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