
Une jeune femme est tenue à l’écart du village. Son sexe, sa mère, son âge, son envie de comprendre ne sont pas du tous. Elle n’aura peut-être d’autre choix que de remettre en cause la croyance en Emkla.
4e de couverture
La jeune femme, à l’ombre des arbres et à l’écart du village, semble pensive; elle ressasse, habitée par une envie de partir, de découvrir le monde, au-delà de la forêt et des montages environnantes. C’est la peur qui empêche les villageois d’explorer la forêt et de s’immiscer dans le monde sauvage, la peur d’Emkla, entité vengeresse dont les lois régissent, entre autres choses, les rapports entre humains et non-humains. Alors, quand la loi n’est pas respectée, c’est mille fléaux qui s’abattent sur le petit village. Plutôt que vivre comme une insurgée dans ce village devenu cauchemar, la jeune femme décide de tout quitter et de partir loin, par-delà les grandes roches, à la recherche de la vérité.
Emkla est un conte amoral et sombre, un récit d’aventure haletant qui explore les relations entre humains et nature, et questionne les traditions et idéologies qui nous enferment et nous soumettent plus qu’elles nous éclairent et nous libèrent.
On connaît le talent versatile de Peggy Adam, qui, de livre en livre, aime à jongler avec les thèmes et les approches graphiques; dans Emkla, comme mue par une envie de se réinventer, elle livre sans doute ses plus belles pages, tout en aquarelle, pour mieux nous décrire la cruelle beauté de la nature, et l’éphémère folie de l’être humain.

Mon avis
Au regard de la couverture, on pourrait croire qu’il s’agit de Greta Thunberg. Tout comme elle, le personnage possède un regard franc, obstiné et droit. La natte sur le côté a aussi de quoi troubler. Mais dès les premières pages, nous nous rendons compte qu’il n’y a aucun lien entre elles. Le récit de Peggy Adam nous emmène dans un lieu reculé de tout. Quelques personnes vivent entre elles de la culture, de l’élevage et de la chasse. Elles vouent un culte à Emkla, une entité magique qui régit la nature. Il y a des règles à suivre et celles qui ne veulent pas s’y soumettre seront exclus. Les animaux par delà la rivière ne doivent pas être chassé.
Cette vallée alpestre repose sur le fait que seuls les hommes savent. Seuls eux peuvent prendre des bonnes décisions. Si les choses se dérèglent, c’est forcément à cause des femmes qui ne respectent pas les codes. Quand une succession de catastrophes naturelles arrivent et que les habitants doivent s’isoler dans une maison. L’arrivée de rats et d’autres animaux est du au fait que la plus jeune ait ces règles. Il faut peut-être alors la donner en sacrifice en dieu. Une façon élégante d’évoquer la discrimination, bien réelle dans notre société. Pourquoi essayer de comprendre quand on a un bouc émissaire tout prêt.

Parfois la jeunesse décide de se rebeller. Elle sait que les mythe ont leurs limites, celle de la connaissance et de la peur. Alors une jeune habitante quitte ce lieu emporter par une nuée de corbeaux. Volonté d’Emkla? Qui sait? Le monde change donc c’est le signe pour elle d’en faire autant. Et là voilà partie affronter la rudesse des montagnes, du froid et la colère des animaux sauvages. Elle ne sera guère seule au début puis les membres morts de sa famille se tiennent à ses côtés. Une façon bien à elle de profiter de sa vie en faisant ces propres choix

Peggy Adam débute comme une histoire simple d’un village reculé avec ces mythes pour maintenir le pouvoir aux hommes. Puis cela part dans une épopée cauchemardesque car à la fin l’héroïne ne triomphe pas des épreuves. Du réalisme, on s’enfonce progressivement dans du fantastique où il faut laisser de côté ses références terre à terre. Le chemin faisant il n’y a d’autres échappatoires qu’une lente et douloureuse descente aux enfers. On assiste à cela en regardant la souffrance prendre plus de place. L’aquarelle met en exergue la dureté du milieu. Même dans les pages remplis d’un seul motif comme la forêt luxuriante et celle qui brûle. Rien de bon ne pouvait se laisser présager. Par conséquent, on n’est pas vraiment surpris et touché par la tournure des choses. L’émotion n’est pas au rendez-vous. On regarde un individu subir le patriarcat intégré, le réchauffement climatique, l’endoctrinement religieux. Un brin de colère sous fond de féminisme pousse à dépasser des frontières mortelles.
Une bande dessinée cruelle et sombre qui montre que le destin de l’être humain est de mourir dans la nature. Tu es né poussière et tu retourneras poussière.

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