Comme une bête (ou comment je suis devenu végétarien) – Cédric Taling

Quand on est un mangeur de viande invétéré, on regarde les végétariens d’un oeil un peu bizarre. Mais quand une personne que l’on apprécie vous explique ces choix alimentaires, cela incite à réfléchir. Richard débute un parcours riche en émotions.

4e de couverture
Mais au fait, quel est notre rapport aux êtres que nous mangeons ?
Comment devenir végétarien ? Comment peut-on ne pas l’être ?
Un questionnement vertigineux de nos appétits tellement humains.
Richard, un acteur quadra de la région parisienne, est très proche de sa filleule Camille, 13 ans. La découvrir soudain végétarienne, lors d’un barbecue, déclenche chez lui une profonde remise en question.
En tant qu’adulte, il est ébranlé par les choix radicaux, mais cohérents, de l’adolescente, d’autant que Camille est très au fait de la maltraitance des animaux et des conséquences climatiques de nos pratiques alimentaires.
Au fil des pages, Richard va peu à peu s’éveiller à l’antispécisme, au végétarisme et au vivant en général. En discutant avec Camille, devenue un guide, il sent poindre en lui le désir de devenir végétarien à son tour. Mais parviendra-t-il à changer son mode de vie et à se défaire de ses automatismes ?
Auteur de Thoreau et moi (2019), inspiré par la pensée du philosophe américain Henry David Thoreau, Cédric Taling explore ici la question de l’alimentation et de la confrontation entre générations, avec l’originalité et l’humour qui lui sont propres.

Mon avis
Manger de la viande est tout à fait normal pour Richard. Toutes les personnes de son entourage en consomment et c’est surtout lié à des émotions. Quand il était petit, il y avait des moments de jeux en famille avec du saucisson par exemple. Des vrais moments de complicité qui ont permis de poser des bases de son identité d’homme. Une rencontre peut tout changer. Sa filleule adorée, Camille, du haut de ces 13 ans est végétarienne. Son discours est assez structuré et assez censé. Le voila tout bouleversé, la gamine ne dit pas forcément que des inepties. « – C’est à dire que je te parle de milliers d’animaux tués chaque seconde. J’te parle de la destruction de la biodiversité et de la déforestation. Tout ça pour des brochettes barbecue. Imagine… Si nos brochettes étaient du chien! Tu penses à Violette? – Violette?! Mais ça n’a rien à voir, c’est ma chienne, c’est pas une vache. » (p. 13). Il a suffit de cela pour commencer le cheminement. Quand il fait les courses, l’habitude d’acheter du saucisson est automatique. Néanmoins, il se passe quelque chose de singulier. Voilà qu’un cochon géant vint lui parler : « On vous cache complètement la réalité de certains élevages et l’abattage. Comme ça le consommateur reste dans une ignorance qui n’est pas innocente. Tu es au courant, je pense, que dans la nature, on ne trouve pas de « jambon » ou de « steak » ou encore de « fruits de mer » ». (p. 25) Il poursuit son discours en évoquant le spécisme. D’autres aspects sont évoqués comme le fait que certaines personnages tagues des mots provocateurs sur la façade de supermarché. Ce n’est pas parce qu’il vend de la viande qu’il est un assassin.

Les choses ne vont pas en s’améliorant. Les cauchemars et l’expérience mystique pousse Richard à remettre en cause son régime alimentaire. Les exceptions deviennent plus pesantes. Une rencontre inopinée avec une vieille dame redonne du grain à moudre. La viande pas cher à une histoire. « Le boeuf était devenu un mets prisé par la haute société européenne la demande a explosé. Au début, les bêtes étaient juste parquées à Chicago en attendant de monter dans les wagons. Mais la guerre de sécession a bloqué les échanges commerciaux et Chicago a dû créer des abattoirs pour gérer le flux des animaux. Et là, ça a été le début de la fin. V’là que nos gars ont inventé la chaîne de désassemblage. En 1890, des centaines d’employés, hommes, femmes, enfants, y traitaient des millions d’animaux, permettant aux deux plus grandes entreprises de réaliser des centaines de millions de chiffre d’affaires annuel. Les porcs et les boeufs étaient préparés en un éclair. A la fin du XIXe siècle, on produisait à Chicago 82% de la viande consommée aux Etats-Unis. Ses chaînes de désassemblage marchaient tellement bien, les profits étaient tellement grands, qu’un ingénieur de chez Ford s’en inspira pour créer ses chaînes d’assemblage automatique. » (pp. 101-102). L’animal devient un objet de consommation quelconque. Il n’est plus qu’une chose. Rien de telle pour l’amener à vraiment prendre un autre chemin, avec une pointe de regret.

Les bandes dessinées qui parlent de végétarisme deviennent de plus en plus nombreuses. L’approche est plus souvent de donner des arguments face aux reproches réguliers comme la vitamine B12, la souffrance des légumes, la culture intensive du soja… Cédric Taling a fait le choix d’un autre récit. On suit le parcours d’un gars assez ordinaire, Richard, qui aime le plaisir simple de la bonne chair. Surtout que des souvenirs d’enfance sont liés à la transformation de la viande. Une adolescente de 13 ans le met face à une vérité. L’ensemble de ces orientations a des conséquences même si on ne les voit pas de façon concrète. En effet, il y a un peu d’exagération avec les cauchemars qui le hantent. Néanmoins cela est une façon très explicite de montrer la démarche de réflexion. Quand on voit une vache dans un steak, la façon de concevoir l’alimentation est différente. Cela ouvre le champ d’interrogation sur le rapport aux animaux avec leur classement selon leur rentabilité, les enjeux géopolitiques, les impacts environnementaux, le sens de la nutrition et sans oublier le lien de convivialité. Le problème est assez complexe si l’on veut regarder les choses dans leur intégralité. Cependant, quelques questionnements résonnent chez les lecteurs. Il n’est pas dit que cela les convainc. On ne sait pas si c’est cela vraiment l’objectif rechercher non plus. Pour oser se plonger dans cette bd, il est déjà concerné par le thème du végétarisme/véganisme. Et l’aide à mieux comprendre à faire des choix plus assumés, même s’il y aura toujours de rudes opposants. Donc pas besoin d’être un adepte pour se plonger dans cette lecture. La fin nous laisse tout de même un peu perplexe.

Une bande dessinée qui montre le parcours d’un homme qui prend une décision qui va impacter sa vie, ses souvenirs et sa vision du monde.

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